#17 Item 341 : Hémorragie méningée

Définitions
Pour comprendre
Diagnostic positif
Diagnostic étiologique
Pronostic et complications spécifiques de l’hémorragie méningée anévrismale
Prise en charge de l’hémorragie méningée anévrismale



Situations de départ

12 Nausées.
13 Vomissements.
28 Coma et troubles de conscience.
38 État de mort apparente.
50 Malaise/perte de connaissance.
118 Céphalée.
119 Confusion mentale/désorientation.
120 Convulsions.
121 Déficit neurologique sensitif et/ou moteur.
178 Demande/prescription raisonnée et choix d’un examen diagnostique.
183 Analyse du liquide cérébrospinal (LCS).
226 Découverte d’une anomalie du cerveau à l’examen d’imagerie médicale.
231 Demande d’un examen d’imagerie.
239 Explication préopératoire et recueil de consentement d’un geste invasif diagnostique ou thérapeutique.
259 Évaluation et prise en charge de la douleur aiguë.
314 Prévention des risques liés au tabac.
327 Annonce d’un diagnostic de maladie grave au patient et/ou à sa famille.


Objectifs pédagogiques

  • Diagnostiquer une hémorragie méningée.
  • Identifier les situations urgentes et planifier leur prise en charge.


Hiérarchisation des connaissances

Rang Rubrique Intitulé Descriptif
Définition Définition de l’hémorragie méningée dite sous-arachnoïdienne (HSA), spontanée et traumatique
Étiologies Connaître les principales causes d’hémorragies méningées et les facteurs favorisants
Diagnostic positif Connaître les présentations cliniques et le diagnostic d’hémorragie méningée Évoquer le diagnostic devant une céphalée brutale évocatrice chez un patient sans autre argument pour une autre cause de céphalée urgente avec signes d’irritation pyramidale
Diagnostic positif Connaître la stratégie d’exploration complémentaire devant un tableau clinique évocateur d’hémorragie méningée Indication = scanner cérébral sans injection en urgence. Reconnaître la présence de sang dans les espaces sous-arachnoïdiens sur un scanner puis ponction lombaire (savoir quand et comment réaliser une ponction lombaire ; connaître les caractéristiques du LCS en cas d’hémorragie méningée)
Examens complémentaires Connaître les signes évocateurs d’hémorragie méningée au scanner cérébral sans injection
Examens complémentaires Connaître les caractéristiques du liquide cérébrospinal dans l’hémorragie méningée
Contenu multimédia Exemples d’HSA sur TDM 1. Hémorragie sous-arachnoïdienne ; 2. Hémorragie cérébroméningée (hématome)
Examens complémentaires Connaître la stratégie d’exploration complémentaire à visée étiologique Indication = scanner cérébral avec injection. Reconnaître un anévrisme artériel (= image d’addition artérielle) ou une autre origine vasculaire
Identifier une urgence Connaître l’urgence d’une hémorragie méningée Identifier l’urgence diagnostique et la nécessité de référer en urgence à un service spécialisé : neurochirurgie, neuroradiologie interventionnelle
Prise en charge Connaître le traitement symptomatique initial Savoir prévenir les complications avec un isolement neurosensoriel au lit, antalgie IV, contrôle de la pression artérielle, et appel d’un réanimateur
Prise en charge Connaître les principes du traitement étiologique Connaître les grands principes du traitement étiologique (neurochirurgical et neuroradio-interventionnel)
Suivi et/ou pronostic Connaître les complications évolutives d’une hémorragie méningée Hypertension intracrânienne, hydrocéphalie aiguë précoce et retardée, récidive hémorragique, vasospasme cérébral

I Définitions

A Hémorragie méningée

L’hémorragie méningée, aussi appelée hémorragie sous-arachnoïdienne (HSA), est définie par l’irruption de sang dans les espaces sous-arachnoïdiens (fig. 17.1) qui entourent l’encéphale et la moelle épinière. Les espaces sous-arachnoïdiens sont limités par la pie-mère en dedans et l’arachnoïde en dehors. Ils contiennent le liquide cérébrospinal (LCS) ainsi que les artères et les veines de gros calibre. Ils sont plus larges au niveau de la base de l’encéphale (citernes) où se situe le polygone de Willis (cercle artériel anastomotique).


Fig. 17.1

Représentation schématique des espaces sous-arachnoïdiens.
Source : dessin de Carole Fumat.


L’HSA est spontanée si elle survient en dehors de tout contexte traumatique. Elle est alors le plus souvent liée à la rupture d’un anévrisme artériel du polygone de Willis.

B Anévrisme et rupture

Un anévrisme correspond à une perte de parallélisme de la paroi artérielle (par déstructuration/dégradation du tissu conjonctif et de la couche musculaire lisse), formant une « hernie » de morphologie le plus souvent sacculaire ou plus rarement fusiforme, siégeant préférentiellement au niveau des bifurcations du polygone de Willis (fig. 17.2).


Fig. 17.2

Anatomie du polygone de Willis à la face inférieure (base) de l’encéphale.

Source : dessin de Carole Fumat.


L’anévrisme se forme sous la dépendance de facteurs biologiques et mécaniques/hémodynamiques, notamment de contraintes de flux. Les facteurs de risque principaux sont : le tabac, l’hypertension artérielle et l’alcool.

La paroi anévrismale est plus fragile que celle d’une artère saine, raison pour laquelle elle peut se fissurer. Lors de la rupture, le sang va faire irruption de façon brutale dans les citernes et les sillons corticaux (HSA) (fig. 17.3), voire à l’intérieur des ventricules (hémorragie intraventriculaire).


Attention : si l’anévrisme est « enchâssé » dans le cortex cérébral, sa rupture peut être à l’origine d’un hématome intraparenchymateux associé : on parle alors d’hémorragie cérébroméningée (fig. 17.4).


Fig. 17.3

La rupture d’anévrisme va entraîner une issue brutale de sang dans le LCS, correspondant à l’hémorragie sous-arachnoïdienne.
Source : dessin de Carole Fumat.


Fig. 17.4

La rupture d’anévrisme se complique assez couramment d’une contamination plus ou moins importante du système ventriculaire ou parfois d’un hématome intraparenchymateux.

Source : dessin de Carole Fumat.


II Pour comprendre

La rupture d’un anévrisme artériel intracrânien (fig. 17.5) est imprévisible et survient instantanément : on parle de « coup de tonnerre dans un ciel serein ». Cette rupture va avoir les conséquences suivantes.


Fig. 17.5

Physiopathologie de l’hémorragie sous-arachnoïdienne anévrismale.
DVE : dérivation ventriculaire externe ; DVP : dérivation ventriculopéritonéale.


A Lésion cérébrale initiale

Lors de la rupture, le volume supplémentaire lié à l’irruption de sang va se surajouter à la pression intracrânienne (de l’ordre de 10 mmHg) entraînant une hypertension intracrânienne (HTIC) majeure plus ou moins prolongée.

Ainsi, en fonction de l’importance du saignement initial, le tableau clinique peut aller d’une simple céphalée brutale isolée à une perte de connaissance voire un coma. On estime que 15 à 20 % des patients vont développer en préhospitalier un état de mort encéphalique par arrêt circulatoire cérébral lié à une HTIC incontrôlée.

B Resaignement de l’anévrisme

Le saignement, qui dure quelques secondes, s’arrête sous l’effet de l’HTIC qu’il a induit, permettant la formation d’un clou fibrinoplaquettaire sur la zone de déchirure de la paroi. Si l’anévrisme n’est pas exclu rapidement, la fibrinolyse secondaire va entraîner un resaignement, situation catastrophique qui aggrave le pronostic fonctionnel et vital de façon significative.

C Hydrocéphalie

Lors d’une HSA, le sang dans les ventricules et/ou les espaces sous-arachnoïdiens peut empêcher la libre circulation ou la réabsorption normale du LCS qui va (du fait de sa sécrétion continue) s’accumuler, entraînant une dilatation des ventricules cérébraux : c’est l’hydrocéphalie aiguë, elle-même source d’HTIC.

Dans les autres cas, le sang va être spontanément lysé puis résorbé en quelques jours, mais peut aussi, via des phénomènes inflammatoires, entraîner une fibrose des sites de réabsorption du LCS, à l’origine d’une hydrocéphalie chronique secondaire.

D Ischémie cérébrale retardée

La présence de sang au contact des vaisseaux cérébraux va provoquer des phénomènes inflammatoires retardés dont le vasospasme artériel est une conséquence.

Lorsque la réduction de calibre artériel est sévère, l’hypoperfusion induite peut entraîner une ischémie cérébrale retardée, qui est un facteur pronostique majeur dans l’HSA anévrismale, cause de décès et de handicap par infarctus cérébral constitué.

III Diagnostic positif

A Diagnostic clinique


Une céphalée de début brutal, « en coup de tonnerre » (pic d’intensité atteint < 5 min), est une HSA jusqu’à preuve du contraire. La présence d’un syndrome méningé ne fait que renforcer cette hypothèse.



1 Syndrome méningé

Il s’agit d’une céphalée intense, diffuse, « en casque », d’emblée maximale, pouvant être accompagnée de nausées, vomissements, photophobie et phonophobie. Sa survenue à l’effort est évocatrice mais inconstante.
La raideur méningée comporte une attitude « en chien de fusil » du malade et/ou une raideur de nuque qui comprend :

  • une résistance à la flexion passive de la nuque ;
  • un signe de Kernig : résistance douloureuse lors de l’extension passive des membres inférieurs ;
  • un signe de Brudzinski : flexion involontaire des membres inférieurs lorsque l’examinateur tente de fléchir la nuque.
    Le tableau peut être atypique avec une céphalée parfois d’intensité modérée, furtive (céphalée « sentinelle »). Chez un(e) patient(e) avec antécédent de migraine connu, le caractère « inhabituel » de la céphalée (intensité/brutalité) doit faire évoquer une HSA.

2 Signes de gravité

Les signes de gravité (troubles de conscience pouvant aller jusqu’au coma, à évaluer par le score de Glasgow ; déficit neurologique focal ; crises d’épilepsie ; signes d’engagement) sont liés à la sévérité et à la durée de l’HTIC initiale mais aussi à la présence de complications précoces : hémorragie intraparenchymateuse et/ou ventriculaire, hydrocéphalie aiguë. L’état clinique du patient doit être consigné et réévaluer régulièrement.

3 Présentations particulières

Syndrome de Terson
Dans les formes sévères, l’HSA peut entraîner la survenue d’hémorragies intraoculaires uni- ou bilatérales (corps vitré, parfois rétine) : c’est le syndrome de Terson.

  • Symptômes : taches foncées dans le champ visuel et/ou baisse d’acuité visuelle.
  • Clinique : le diagnostic est posé par l’examen du fond d’œil (FO) montrant des hémorragies dans l’espace sous-hyaloïdien pouvant s’étendre dans le corps vitré.
  • Les formes graves peuvent nécessiter une vitrectomie chirurgicale.

    Paralysie oculomotrice

    La forme classique est celle d’une paralysie (intrinsèque et extrinsèque) du nerf oculaire moteur commun (III), qui est comprimé ou lésé dans son trajet cisternal (c’est-à-dire en amont de son entrée dans le sinus caverneux) lors de la rupture d’un anévrisme de l’artère carotide interne situé à l’origine de l’artère communicante postérieure :
  • ptosis ;
  • mydriase ;
  • strabisme divergent/déviation oculaire en abduction ;
  • déficit des mouvements oculaires en adduction, vers le haut et le bas.

B Diagnostic paraclinique

1 Scanner cérébral sans injection de produit de contraste

La simple évocation du diagnostic d’HSA doit imposer la réalisation d’un scanner cérébral sans injection en urgence. C’est l’examen clé faisant le diagnostic positif d’HSA en mettant en évidence une hyperdensité spontanée des espaces sous-arachnoïdiens (citernes de la base, scissure latérale/vallée sylvienne, sillons corticaux, scissure longitudinale/interhémisphérique) (fig. 17.6).


Fig. 17.6

Diagnostic au scanner sans injection d’une hémorragie sous-arachnoïdienne (HSA).

À gauche, un scanner normal : les citernes de la base, remplies de LCS, apparaissent hypodenses (flèches). À droite, un scanner chez un patient avec une HSA : les citernes de la base apparaissent hyperdenses, signant la présence de sang dans le LCS (flèches).


Le scanner permet aussi de révéler les complications précoces : hématome intraparenchymateux, hémorragie intraventriculaire, œdème cérébral, hydrocéphalie aiguë (fig. 17.7).


Attention : la sensibilité du scanner dépend de son délai de réalisation par rapport à la date du saignement (disparition de l’hyperdensité sanguine en 5 à 8 jours). Le scanner doit donc être réalisé le plus tôt possible après évocation du diagnostic d’HSA. Dans le cas contraire, sa normalité n’exclut pas formellement le diagnostic d’HSA, et doit alors conduire à la réalisation d’une ponction lombaire ou d’une IRM.



Fig. 17.7

Aspect d’hydrocéphalie aiguë au scanner cérébral sans injection.

Noter l’aspect arrondi « ballonisé » des ventricules latéraux (flèches) et du troisième ventricule (étoile).


2 Ponction lombaire

La ponction lombaire (PL) est indiquée devant un syndrome méningé de début brutal lorsque le scanner est normal, à la condition d’avoir vérifié au préalable l’absence de processus expansif pouvant entraîner un risque d’engagement ou de trouble de l’hémostase.
Les analyses suivantes seront demandées :

  • cytologie (comptage des globules rouges et globules blancs) ;
  • biochimie standard (glycorachie et protéinorachie) ;
  • surnageant après centrifugation ;
    bactériologie avec examen direct et mise en culture (rares HSA compliquant une méningite).
    Les caractéristiques du LCS en cas d’HSA sont :
  • liquide uniformément rouge (rosé ou citrin si hémorragie ancienne) dans les trois tubes, incoagulable ;
  • pression du LCS élevée, témoignant de l’augmentation de la pression intracrânienne ;
  • surnageant xanthochromique après centrifugation, avec pigments sanguins (à partir de la 12e heure) ;
  • érythrocytes en nombre abondant avec rapport érythrocytes/leucocytes supérieur à celui du sang ;
  • glycorachie normale et hyperprotéinorachie.
    Ces résultats s’opposent point par point à ceux d’une PL traumatique :
  • liquide coagulable et de moins en moins hémorragique au fur et à mesure du recueil ;
  • pression d’ouverture normale ;
  • surnageant clair après centrifugation avec absence de pigments sanguins ;
  • rapport érythrocytes/leucocytes superposable à celui du sang.
    La normalité d’une PL 12 heures après le début de la céphalée (avec notamment absence de xanthochromie) permet d’éliminer formellement le diagnostic d’HSA.

3 Imagerie par résonance magnétique

Si le scanner n’a pas révélé d’HSA malgré une présentation clinique évocatrice, une imagerie par résonance magnétique (IRM) peut être demandée, avec une meilleure sensibilité. Deux séquences sont particulièrement performantes pour la détection du sang dans les espaces sous-arachnoïdiens :

  • FLAIR : le sang apparaît sous la forme d’un hypersignal des citernes et des scissures/sillons ;
  • T2* (écho de gradient) : le sang apparaît sous la forme d’un franc hyposignal.

IV Diagnostic étiologique

A Principales étiologies

  • Rupture d’un anévrisme du polygone de Willis (85 %) :

    • cause la plus fréquente ;
    • le plus souvent sporadique ;
    • plus rarement, on retrouve un contexte prédisposant : formes familiales (environ 5 %), polykystose rénale, maladies du tissu élastique (Marfan, Ehlers-Danlos), coarctation de l’aorte.
  • Idiopathique (10 %) :
    • de localisation spécifique, périmésencéphalique ;
    • de bien meilleur pronostic.
  • Autres malformations/lésions vasculaires intracrâniennes (< 5 %) :
    • malformation artérioveineuse (MAV) ;
    • fistule artérioveineuse durale ;
    • anévrisme mycotique.

Causes iatrogènes (traitements antithrombotiques).

B Diagnostic étiologique : imagerie vasculaire

Une fois le diagnostic d’HSA établi, il faut rechercher un anévrisme artériel en débutant par une imagerie non invasive : l’angioscanner du polygone de Willis est la technique de choix.
L’angiographie cérébrale, plus invasive mais plus sensible, est indiquée lorsque l’angioscanner n’a pas identifié d’anévrisme ou lorsque le choix de la modalité thérapeutique d’oblitération/exclusion (embolisation par voie endovasculaire versus clippage par voie chirurgicale) n’est pas clair avec l’angioscanner seul.

1 Imagerie non invasive de première intention

Angioscanner du polygone de Willis
L’angioscanner avec reconstruction tridimensionnelle (3D) est l’examen à prescrire en première intention pour diagnostiquer un anévrisme du polygone de Willis. Il est réalisé immédiatement après le scanner non injecté si celui-ci a montré une HSA. Il permet le plus souvent de préciser la morphologie de l’anévrisme (taille du collet, rapports avec l’artère porteuse et ses divisions) et ainsi de choisir la modalité thérapeutique semblant la plus appropriée (embolisation versus chirurgie) (fig. 17.8).


Fig. 17.8

Angioscanner du polygone de Willis avec reconstruction 3D.
Présence d’un anévrisme de l’artère cérébrale moyenne (artère sylvienne) droite (flèche).


Angiographie par résonance magnétique
L’angiographie par résonance magnétique (ARM) peut également être utilisée mais a une résolution anatomique inférieure à celle de l’angioscanner.
2 Angiographie cérébrale conventionnelle
L’angiographie cérébrale conventionnelle, malgré son caractère invasif, demeure l’examen de référence, car le plus sensible, pour diagnostiquer un anévrisme (notamment de petite taille). La technique (dite de Seldinger) consiste à ponctionner l’artère fémorale puis à cathétériser et injecter par voie rétrograde les quatre axes artériels du polygone de Willis (c’est-à-dire les deux artères carotides internes et les deux artères vertébrales). Elle doit être réalisée si l’angioscanner est négatif (fig. 17.9). Si la suspicion d’anévrisme rompu est forte, cet examen peut être répété à une semaine d’intervalle afin de ne pas méconnaître un anévrisme initialement thrombosé.


Fig. 17.9

Angiographie cérébrale conventionnelle en reconstruction 3D.
Vue de la carotide interne gauche de face. On identifie un anévrisme sur la bifurcation de l’artère cérébrale moyenne (artère sylvienne).


C Anévrisme rompu du polygone de Willis
La topographie préférentielle des anévrismes du polygone de Willis est, par ordre de fréquence décroissante :

  • l’artère communicante antérieure (40 %) ;
  • l’artère carotide interne (30 %) ;
  • l’artère cérébrale moyenne/sylvienne (20 %) ;
  • l’artère vertébrale et l’artère basilaire (10 %).

D HSA périmésencéphalique idiopathique
L’HSA périmésencéphalique correspond à un saignement peu abondant, circonscrit ou prédominant à la citerne interpédonculaire, en l’absence d’anévrisme ou de toute autre malformation vasculaire identifiée. C’est un diagnostic d’élimination, qui ne sera retenu qu’après plusieurs imageries vasculaires interprétées normales. Il s’agit de la forme la moins sévère d’HSA, avec un pronostic souvent excellent. La physiopathologie reste méconnue (saignement d’origine veineuse ?) et la récidive hémorragique est exceptionnelle (fig. 17.10).


Fig. 17.10

HSA périmésencéphalique sur un scanner cérébral sans injection.
Noter la répartition du sang qui prédomine en avant et autour du mésencéphale.


V Pronostic et complications spécifiques de l’hémorragie méningée anévrismale

A Pronostic global
Les HSA anévrismales sont une forme grave d’AVC hémorragique. Le taux de décès préhospitalier atteint 15–20 %, et le pronostic des patients admis vivants à l’hôpital reste réservé puisque :

  • 20 % vont décéder ;
  • 20 % vont garder un handicap sévère ;
  • 60 % seulement vont survivre sans séquelle ou avec des séquelles mineures.
    Le pronostic dépend essentiellement du tableau clinique initial, évalué par le score de la World Federation of Neurosurgical Societies (score WFNS). Ce score prend en compte l’état de vigilance du patient, évalué par le score de Glasgow, et la présence ou non d’un déficit neurologique focal :
  • WFNS I : score de Glasgow = 15 et aucun déficit moteur ;
  • WFNS II : score de Glasgow = 13 ou 14 et aucun déficit moteur ;
  • WFNS III : score de Glasgow = 13 ou 14 et présence d’un déficit moteur ;
  • WFNS IV : score de Glasgow ≥ 8 et ≤ 12 ;
  • WFNS V : score de Glasgow < 8 (patient dans le coma).
    Plus ce score est élevé plus la mortalité et le risque de séquelles sont importants.
    Le pronostic est également dépendant de la quantité de sang présente, évaluée sur le scanner initial par l’échelle de Fisher (tableau 17.1). Plus on visualise de sang, plus le risque de complications augmente, hydrocéphalie et vasospasme notamment.
    Tableau 17.1

Échelle de Fisher.

Grade Aspect au scanner cérébral
1 Absence de sang
2 HSA < 1 mm d’épaisseur
3 HSA > 1 mm d’épaisseur
4 Hématome intraparenchymateux et/ou hémorragie intraventriculaire

B Complications spécifiques


Les complications spécifiques de l’HSA anévrismale sont :

  • le resaignement de l’anévrisme ;
  • l’hydrocéphalie aiguë et chronique ;
  • le vasospasme et l’ischémie cérébrale retardée.

    1 Resaignement de l’anévrisme

    C’est un nouveau saignement dans les heures ou jours qui suivent la première rupture, si l’anévrisme n’a pas été traité avant. C’est une complication gravissime (taux de mortalité = 60–70 %).
    Il se révèle par une nouvelle céphalée brutale, volontiers compliquée de troubles de conscience pouvant aller du coma jusqu’à la mort encéphalique rapide. Il doit être prévenu par un traitement rapide de l’anévrisme, c’est-à-dire dans les 48 heures qui suivent le saignement initial.

2 Hydrocéphalie aiguë

L’hydrocéphalie aiguë est le plus souvent annoncée par une agitation/confusion puis des troubles de conscience, s’aggravant rapidement en quelques heures. Le diagnostic est confirmé par le scanner cérébral qui montre une dilatation des ventricules cérébraux (fig. 17.7). Le traitement repose sur la dérivation ventriculaire externe (DVE) de LCS.

3 Hydrocéphalie chronique

Chez certains patients, malgré la résorption progressive du sang contaminant les espaces sous-arachnoïdiens, la circulation et/ou les capacités de réabsorption du LCS restent durablement perturbées. Il se produit alors un déséquilibre entre la production du LCS, son acheminement vers les granulations de Pacchioni et sa réabsorption, conduisant à une accumulation chronique. L’hydrocéphalie chronique peut se révéler dans des délais variables :

  • soit après quelques jours : le sevrage de la DVE est impossible, le patient s’aggrave cliniquement et radiologiquement lors des tentatives de retrait de la DVE ;
  • soit après quelques semaines ou quelques mois : l’hydrocéphalie se met en place progressivement, accompagnée d’un ensemble de symptômes regroupés sous la dénomination de triade de Hakim.

Triade de Hakim

  • Trouble de la marche : marche « magnétique », avec des pas de faible amplitude, les pieds « collés » au sol ; troubles de l’équilibre avec rétropulsion et chutes.
  • Troubles cognitifs (évalués avec le Mini Mental State Examination, MMSE).
  • Troubles sphinctériens, avec incontinence urinaire.

    Le diagnostic est confirmé par :

  • le scanner cérébral, qui montre une dilatation quadriventriculaire et des signes de résorption transépendymaire de LCS (hypodensité autour des cornes frontales/antérieures des ventricules latéraux) ;
  • la PL déplétive (test diagnostique et thérapeutique), améliorant les symptômes de la triade de Hakim : qualité de la marche, score MMSE, fuites urinaires.
    Le traitement repose sur la mise en place d’une dérivation interne de LCS, soit vers le péritoine (dérivation ventriculopéritonéale), soit vers l’oreillette droite (dérivation ventriculo-atriale).
    4 Ischémie cérébrale retardée

    Il faut distinguer :

  • le vasospasme : image radiologique de réduction de calibre d’une ou plusieurs artères intracrâniennes (fig. 17.11), survenant de manière différée 5 à 14 jours après la rupture d’anévrisme ;

    Fig. 17.11

    Vasospasme.
    A. Angioscanner : absence d’opacification de l’artère carotide interne gauche (flèche bleue) du fait d’un fort rétrécissement de calibre secondaire au vasospasme (la flèche rouge indique l’artère carotide interne droite, ici bien visible et non spasmée). B. L’artériographie en vue de face confirme ce rétrécissement de calibre de l’artère carotide interne gauche, avec un vasospasme également étendu à l’artère cérébrale moyenne/sylvienne gauche. C. Une angioplastie mécanique (dilatation avec un ballon par voie endovasculaire) est réalisée, permettant de restaurer le calibre des artères spasmées et le flux d’aval.


  • le déficit neurologique retardé : conséquence de l’hypoperfusion liée au vasospasme ;
  • l’ischémie cérébrale retardée : véritable infarctus (AVC ischémique) constitué, visible sur une imagerie du parenchyme cérébral comme le scanner ou l’IRM.

    Clinique
    La surveillance clinique quotidienne permet de dépister un déficit neurologique retardé. Il s’agit le plus souvent d’un déficit focal, parfois fluctuant dans le temps, pouvant être associé à une recrudescence des céphalées, une altération de la conscience (confusion, somnolence) et/ou un fébricule (38 °C).
    Ces symptômes apparaissent souvent de façon rapidement progressive et le plus souvent entre 7 et 10 jours après la rupture d’anévrisme.
    Si le vasospasme s’aggrave suffisamment pour altérer de façon significative la perfusion cérébrale, il peut induire un infarctus cérébral focal ou diffus et entraîner un déficit neurologique persistant voire le décès.

Paraclinique
Le vasospasme peut être détecté par la réalisation quotidienne d’un Doppler transcrânien à partir du 5e jour, qui révélera une augmentation des vitesses moyennes dans les artères explorées (artère cérébrale moyenne/sylvienne essentiellement). En cas de doute, l’angioscanner ou l’artériographie cérébrale conventionnelle vont montrer une franche réduction de calibre de ces artères. Le scanner de perfusion peut également montrer une hypoperfusion marquée dans certains territoires vasculaires avant la constitution de l’AVC ischémique.
L’ischémie cérébrale retardée secondaire au vasospasme peut être identifiée comme tout AVC ischémique sur l’imagerie cérébrale, au mieux une IRM avec séquences de diffusion (signal en restriction de diffusion) et FLAIR (hypersignal précoce cortical dans un territoire vasculaire).

C Complications systémiques non spécifiques
1 Hyponatrémie

Un syndrome de sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique peut provoquer une hyponatrémie et une confusion. Il s’agit d’une complication potentiellement grave qu’il convient de corriger progressivement par apport sodé et hydrique.

2 Complications cardiopulmonaires

En raison d’une suractivation du système sympathique (décharge noradrénergique) lors de l’élévation brutale de la pression intracrânienne provoquée par l’hémorragie, le patient peut présenter des troubles du rythme cardiaque, voire une insuffisance cardiaque avec œdème pulmonaire aigu et/ou un syndrome de Tako-Tsubo (cardiomyopathie transitoire comportant une sidération fonctionnelle du myocarde et une dilatation apicale). Ces anomalies sont détectées par la réalisation d’un ECG, d’un dosage du BNP (brain natriuretic peptide) et de la troponine I, d’une radiographie du thorax et d’une échographie cardiaque.

VI Prise en charge de l’hémorragie méningée anévrismale

A Contexte et environnement de prise en charge

C’est une urgence diagnostique et thérapeutique. Dès le diagnostic établi, le patient doit être transféré en urgence et en transport médicalisé vers le centre référent le plus proche, associant impérativement des unités de neurochirurgie, neuroradiologie interventionnelle et neuroréanimation, en soins intensifs ou en réanimation neurochirurgicale.
B Traitement symptomatique
Il a pour objectifs de calmer les céphalées et de contrôler la pression artérielle (PA) pour prévenir le risque de resaignement.

  • Repos strict au lit, en isolement neurosensoriel.
  • Antalgiques adaptés, par voie intraveineuse.
  • Antiémétiques.
  • Contrôler la PA, en utilisant au besoin un hypotenseur titrable comme la nicardipine par voie intraveineuse au pousse-seringue électrique.
  • En fonction de l’état neurologique à l’admission et des éventuelles complications identifiées : sédation anesthésique et ventilation mécanique pour neuroprotection et prévention des agressions cérébrales secondaires d’origine systémique (ACSOS).
  • Surveillance en réanimation pour un suivi continu de l’état neurologique.
  • C Traitement étiologique : oblitération/exclusion de l’anévrisme

Il faut rapidement exclure l’anévrisme de la circulation cérébrale pour prévenir le resaignement. L’exclusion doit être réalisée dans les 48 heures qui suivent la rupture.
Deux modalités sont possibles : le clippage microchirurgical ou l’embolisation par voie endovasculaire (fig. 17.12).


Fig. 17.12

De gauche à droite : représentation schématique d’un anévrisme artériel intracrânien, avec son sac et son collet (zone de communication avec l’artère porteuse) ; occlusion de l’anévrisme par voie chirurgicale, avec mise en place d’un clip sur le collet, permettant d’exclure l’anévrisme du reste de la circulation cérébrale tout en préservant l’artère porteuse et ses divisions ; occlusion de l’anévrisme par voie endovasculaire : insertion de spires métalliques ( coils ) après cathétérisme sélectif du sac.
Source : dessin de Carole Fumat.


Le choix de la technique (clippage versus embolisation) fait l’objet d’une concertation au sein d’une équipe multidisciplinaire composée d’un neurochirurgien, d’un neuroradiologue interventionnel et d’un neuroréanimateur. Lorsque les deux techniques sont possibles, à risque procédural et probabilité d’occlusion équivalents, il faut préférer le traitement par voie endovasculaire, moins invasif à la phase aiguë de l’hémorragie méningée.
L’embolisation consiste en la montée par voie artérielle d’un microcathéter jusque dans le sac de l’anévrisme et au dépôt in situ d’un matériel (spires métalliques appelées coils) permettant l’occlusion et la thrombose durable de l’anévrisme (fig. 17.13)


Fig. 17.13

Embolisation d’un anévrisme rompu de l’artère cérébrale moyenne/sylvienne gauche par coils.
Angiographie (vue de face) avant (A) puis après (B) la mise en place de coils dans le sac.


Le traitement microchirurgical consiste, après réalisation d’une craniotomie (ouverture de la boîte crânienne), en une dissection de l’artère porteuse et de ses divisions, un isolement du collet de l’anévrisme, puis son exclusion par mise en place d’un clip en titane (fig. 17.14)


Fig. 17.14

<IMG1763

|left>Exclusion microchirurgicale d’un anévrisme de l’artère cérébrale moyenne/sylvienne droite.
Vue peropératoire sous microscope, montrant l’anévrisme avant (A) et après (C) le positionnement du clip sur le collet. Vidéo angiographie peropératoire (injection intraveineuse de produit fluorescent) réalisée avant (B) et après (D) le clippage de l’anévrisme, permettant de s’assurer de la perméabilité de l’artère porteuse de l’anévrisme (étoile) et de ses branches de division (croix) ainsi que de l’absence de circulation résiduelle dans l’anévrisme.


D Prise en charge de l’hydrocéphalie aiguë
L’hydrocéphalie aiguë est un facteur majeur d’HTIC et doit donc être immédiatement jugulée. Son traitement repose sur la mise en place d’une dérivation ventriculaire externe (DVE) de LCS. Il s’agit d’un cathéter inséré par craniotomie (trou de trépan) dans le ventricule latéral et permettant de dériver l’excès de LCS dans une poche de recueil externe.

E Prise en charge du vasospasme et de l’ischémie cérébrale retardée
1 Prévention

La prévention du vasospasme et de l’ischémie cérébrale retardée repose sur :
un inhibiteur calcique à tropisme cérébral, la nimodipine, administrée per os (IV si vomissements importants ou troubles de conscience) pendant 21 jours dès le diagnostic initial d’HSA ;
le maintien d’une normovolémie, normotension et normoxie.
Cette prise en charge diminue le risque de survenue et la sévérité du vasospasme, mais elle n’en écarte pas totalement le risque.

2 Traitement d’un épisode de déficit neurologique retardé

En cas de déficit neurologique retardé, le traitement repose sur :

  • une hypertension artérielle (HTA) contrôlée, permettant d’augmenter la perfusion cérébrale. Elle peut être obtenue soit par un remplissage vasculaire modéré, soit par l’utilisation d’amines vasopressives sous monitorage invasif de la PA (cathéter artériel radial) ;
  • en cas d’échec de l’HTA induite, on a alors recours à un traitement d’angiodilatation chimique (vasodilatateurs par voie intraveineuse ou in situ lors d’une angiographie) ou d’angioplastie mécanique (dilatation au ballon).

    Traitement de l’hémorragie méningée anévrismale – Synthèse

  • Hospitalisation en soins intensifs neurochirurgicaux ou neuroréanimation.
  • Traitement d’une éventuelle hydrocéphalie : dérivation ventriculaire externe.
  • Exclusion rapide de l’anévrisme : par voie endovasculaire ou chirurgicale.
  • Prévention de l’ischémie cérébrale retardée : nimodipine pendant 21 jours.
  • Surveillance pendant au moins 14 jours, notamment à la recherche d’un déficit neurologique retardé.
  • ________________________________________________________________________________

Points clés

  • Toute céphalée brutale est une hémorragie méningée jusqu’à preuve du contraire.
  • Le diagnostic doit être confirmé par un scanner cérébral sans injection de produit de contraste, qui mettra en évidence une hyperdensité spontanée des espaces sous-arachnoïdiens (citernes de la base, scissures et/ou sillons) et éventuellement des ventricules.
  • En cas de normalité du scanner, une IRM ou une PL doivent être réalisées.
  • Une fois le diagnostic d’hémorragie méningée fait, il faut absolument rechercher un anévrisme artériel intracrânien en réalisant une imagerie vasculaire (angioscanner en première intention).
  • Les trois grandes complications spécifiques de l’hémorragie méningée anévrismale sont le resaignement, l’hydrocéphalie et l’ischémie cérébrale retardée par vasospasme.
  • L’hémorragie méningée anévrismale est une urgence, nécessitant une hospitalisation dans un centre spécialisé (comprenant neurochirurgie, neuroradiologie interventionnelle et neuroréanimation).
  • Un traitement d’exclusion de l’anévrisme ayant saigné doit être réalisé le plus vite possible. Cette exclusion peut être soit chirurgicale, soit endovasculaire.
  • L’ischémie cérébrale retardée doit être prévenue par l’administration systématique d’un inhibiteur calcique, la nimodipine.

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