#13 Item 334 : Prise en charge immédiate préhospitalière et à l’arrivée à l’hôpital, évaluation des complications chez un traumatisé crânien

Physiopathologie
Critères de gravité
Diagnostic
Prise en charge
Complications précoces
Complications à moyen terme
Complications à long terme et séquelles neurologiques



Situations de départ

28 Coma et troubles de conscience.
114 Agitation.
118 Céphalée.
119 Confusion mentale/désorientation.
120 Convulsions.
121 Déficit neurologique sensitif et/ou moteur.
172 Traumatisme crânien.
176 Traumatisme sévère.
178 Demande/prescription raisonnée et choix d’un examen diagnostique.
226 Découverte d’une anomalie du cerveau à l’examen d’imagerie médicale.


Objectif pédagogique

  • Orientation diagnostique et conduite à tenir devant un traumatisme crânien.

Hiérarchisation des connaissances

Rang Rubrique Intitulé Descriptif
Définition Savoir définir un traumatisé sévère Patient victime d’un traumatisme dont l’énergie est susceptible d’entraîner une lésion menaçant le pronostic vital
Prévalence, épidémiologie Connaître les causes de mortalité après un traumatisme Mortalité précoce (hémorragie et traumatisme crânien), mortalité tardive (traumatisme crânien défaillance multiviscérale)
Diagnostic positif Savoir identifier et caractériser les lésions cliniquement Caractériser les lésions céphaliques, rachidiennes, thoraciques, abdominales, pelviennes, des membres
Diagnostic positif Connaître les critères de gravité d’un traumatisé
Prise en charge Connaître les principes de prise en charge préhospitalière des lésions Hémostase, immobilisation des foyers de fracture, analgésie, lutte contre l’hypothermie, connaître l’impact négatif du temps jusqu’au geste d’hémostase
Prise en charge Connaître les principes de réanimation préhospitalière Traitement des défaillances ventilatoire (item 359), hémodynamique (item 332) et neurologique (item 334-crâne)
Prise en charge Connaître les principes de la prise en charge diagnostique à l’arrivée à l’hôpital Examen clinique, place des examens complémentaires, bilan lésionnel exhaustif
Prise en charge Connaître les principes de la prise en charge thérapeutique à l’arrivée à l’hôpital Poursuivre les manœuvres de réanimation, organiser la planification des interventions chirurgicales avec les équipes spécialisées, savoir demander un avis urologique devant toute uréthrorragie en vue du sondage urinaire
Prise en charge Connaître les principales complications du traumatisé sévère à court, moyen et long termes Infectieuses, thromboemboliques, psychiques, douleur
Définition Connaître la définition d’une brûlure et de sa profondeur Connaître les différents types de brûlure (thermique, chimique, électrique) et leur profondeur (atteinte histologique, évolution naturelle)
Définition Connaître la définition d’un syndrome d’inhalation de fumées d’incendie
Éléments physiopathologiques Comprendre le mécanisme des complications après une brûlure Inflammation, œdème, atteinte de la barrière endothéliale, contraction du volume intravasculaire, perte de la barrière cutanée, syndrome compartimental et conséquences de l’ischémie, immunodépression
Éléments physiopathologiques Comprendre la physiopathologie du syndrome d’inhalation de fumées d’incendie Toxicité liée au défaut du transporteur (HbCO) et à la toxicité mitochondriale (cyanure), agression muqueuse directe thermique et chimique, obstruction bronchique, SDRA
Diagnostic positif Savoir diagnostiquer une brûlure et la surface brûlée Règle des neufs de Wallace, paume de la main du patient = 1 %, tables de Lund et Browder chez l’enfant. Le 1er degré ne compte pas
Contenu multimédia Identifier une brûlure superficielle et une brûlure profonde Photographies de brûlure du premier degré, du deuxième degré, du troisième degré
Identifier une urgence Savoir reconnaître les signes de gravité d’une brûlure chez l’adulte et l’enfant Identifier une brûlure profonde (2e degré profond, 3e degré), circulaire, cou, face, orifices, surface > 10 %), reconnaître une brûlure des voies aériennes
Contenu multimédia Identifier une brûlure des voies aériennes Photographies de brûlures des vibrisses, suies oro- et nasopharyngées
Prise en charge Connaître les principes des soins locaux de brûlure Refroidissement de la zone brûlée, prévention de l’hypothermie, pansements, analgésie, escarrotomie
Prise en charge Connaître les principes de la prise en charge d’un brûlé (hors soins locaux) Remplissage vasculaire, protection des voies aériennes, avis spécialisé
Prise en charge Connaître les principes de prise en charge d’un syndrome d’inhalation de fumées d’incendie Oxygénothérapie, hydroxocobalamine, ventilation mécanique protectrice, fibroscopie bronchique
Éléments physiopathologiques Connaître la physiopathologie de l’atteinte des organes intrathoraciques après traumatisme Décrire les mécanismes d’atteinte des organes intrathoraciques et l’incidence des atteintes
Diagnostic positif Savoir suspecter un traumatisme thoracique Identifier les signes évocateurs : anamnèse, inspection (signe de la ceinture, contusion, plaie)
Examens complémentaires Savoir demander les examens complémentaires permettant le diagnostic de traumatisme thoracique Échographie pleuropulmonaire, tomodensitométrie thoraco-abdominale avec injection de produit de contraste, radiographie de thorax, électrocardiogramme
Examens complémentaires Savoir reconnaître un hémothorax et un pneumothorax sur une radiographie
Contenu multimédia Radiographies d’hémothorax et de pneumothorax
Identifier une urgence Savoir identifier les situations indiquant le recours à une thérapeutique de sauvetage Pneumothorax suffoquant, syndrome hémorragique, détresse respiratoire, choc
Prise en charge Connaître les principes de la prise en charge d’un traumatisme thoracique Analgésie multimodale, drainage thoracique, assistance ventilatoire non invasive, exploration chirurgicale des traumatismes pénétrants, avis chirurgical spécialisé pour les cas complexes (rupture de l’isthme aortique, volet thoracique, lésions diaphragmatiques et cardiaques)
Éléments physiopathologiques Connaître la physiopathologie de l’atteinte des organes abdominaux (intra- et rétropéritonéaux) après traumatisme Décrire les mécanismes d’atteinte des organes intra- et rétropéritonéaux et l’incidence des atteintes
Diagnostic positif Savoir suspecter un traumatisme abdominal Identifier les signes évocateurs : anamnèse, inspection (signe de la ceinture, contusion, plaie)
Examens complémentaires Savoir demander les examens d’imagerie permettant le diagnostic de traumatisme abdominal Échographie abdominale, tomodensitométrie abdominale avec injection de produit de contraste
Identifier une urgence Savoir identifier le recours à une thérapeutique d’hémostase en urgence chez l’adulte et l’enfant Association d’une instabilité hémodynamique (PAS < 90 mmHg ou recours aux vasopresseurs ou transfusion préhospitalière ou réponse absente ou transitoire à l’expansion volémique) et d’un épanchement intrapéritonéal à la FAST
Prise en charge Connaître les principes de la prise en charge d’un traumatisme abdominal chez l’adulte et l’enfant Damage control chirurgical (hémostase, coprostase, lavage, fermeture incomplète), embolisation radiologique, réinterventions itératives, surveillance de la pression intra-abdominale
Éléments physiopathologiques Mécanismes lésionnels
Éléments physiopathologiques Classification des fractures ouvertes Cauchoix et Gustillo
Diagnostic positif Savoir suspecter à l’anamnèse et à l’examen clinique une lésion osseuse
Identifier une urgence Savoir suspecter des complications vasculaires et neurologiques
Examens complémentaires Connaître les indications et savoir demander un examen d’imagerie devant un traumatisé du membre et/ou du bassin Si suspicion de fracture de membre, radiographie standard de face et de profil englobant les articulations sus- et sous-jacentes
Examens complémentaires Connaître la sémiologie radiologique de base des fractures diaphysaires simples des os longs Fracture = trait interrompant la ligne corticale
Contenu multimédia Identifier une fracture diaphysaire des os longs Exemples de fractures diaphysaires simples des os longs sur des radiographies
Examens complémentaires Savoir rechercher des complications précoces Vasculaires (artère poplitée notamment) : Doppler, angioscanner ; place respective de la kaliémie, de la créatininémie, des CPK et de la myoglobine
Prise en charge Connaître des principes de prise en charge initiale d’une fracture Alignement, antalgie, antibioprophylaxie, prévention du tétanos, avis spécialisé
Prise en charge Connaître les principes de prise en charge des fractures ouvertes et fermées Fractures fermées : orthopédiques ou chirurgicales ; mesures associées : analgésie multimodale, prévention de la maladie thromboembolique veineuse, rééducation, surveillance clinique (patient sous plâtre) et radiologique. Fractures ouvertes : traitement local (détersion, parage), suture sans tension, ostéosynthèse dictée par la classification de Gustillo, antibiothérapie
Prise en charge Connaître les principes de prise en charge des principales complications des fractures Aponévrotomie, hydratation, anticoagulation
Définition Fracture du rachis, atteinte médullaire associée
Éléments physiopathologiques Connaître les conséquences hémodynamiques et ventilatoires de l’atteinte médullaire selon le niveau lésionnel
Diagnostic positif Circonstances, signes fonctionnels et physiques, savoir effectuer un examen neurologique complet et renseigner l’échelle ASIA Échelle ASIA n’est pas à apprendre mais à savoir utiliser
Identifier une urgence Connaître les symptômes devant faire suspecter une lésion médullaire Syndrome lésionnel, syndrome sous-lésionnel
Prise en charge Connaître les indications et les modalités des principes d’immobilisation
Examens complémentaires Connaître les indications d’imagerie devant un traumatisé du rachis ou vertébromédullaire Places respectives de la tomodensitométrie et de l’IRM et précautions à prendre
Prise en charge Connaître les principes de prise en charge des traumatismes du rachis Remplissage vasculaire, vasopresseurs, indication de ventilation mécanique, chirurgie, non-indication de la corticothérapie
Définition Définition d’un traumatisé crânien léger, modéré et grave En fonction du score de Glasgow
Éléments physiopathologiques Connaître les principes physiopathologiques des lésions cérébrales traumatiques Débit sanguin cérébral, pression de perfusion cérébrale, HTIC, lésions primaires et secondaires
Diagnostic positif Savoir suspecter et diagnostiquer un traumatisme crânien Clinique traumatologique, évaluation de l’état de conscience, traumatismes crâniens mineur/modéré/grave
Identifier une urgence Identifier le traumatisé crânien grave Savoir calculer le score de Glasgow, dépister des signes de localisation : motricité oculaire intrinsèque et extrinsèque, réponse motrice à la stimulation douloureuse
Identifier une urgence Identifier le traumatisé crânien nécessitant une évaluation spécialisée Notion de perte de connaissance, traitement associé, terrain, circonstances
Examens complémentaires Savoir demander à bon escient l’examen d’imagerie pertinent devant un traumatisme crânien à la phase aiguë Indications de la tomodensitométrie cérébrale
Contenu multimédia Exemple TDM d’hématome extradural, sous-dural et contusions cérébrales
Prise en charge Connaître les principes de prise en charge des traumatisés crâniens Symptomatique, ACSOS, neurochirurgie

Pour comprendre

Le traumatisme crânien est un traumatisme dont la gravité est liée aux lésions du parenchyme cérébral : on parle alors de traumatisme cranio-encéphalique (TCE).

C’est un problème de santé publique, car les TCE sont la première cause de lésions cérébrales. Ils sont à l’origine de 70 % des décès dus aux AVP et sont la première cause de décès des adultes jeunes (moins de 35 ans).

Une filière de prise charge en urgence existe sur tout le territoire national, pour transférer, après réanimation et stabilisation, les patients avec TCE grave ou intermédiaire vers des structures dotées d’un plateau technique d’imagerie, d’une réanimation parfois spécialisée (neuroréanimation) et d’une équipe neurochirurgicale, disponibles 24 heures sur 24.

La phase aiguë, c’est-à-dire les premières semaines après l’accident, soulève les problèmes les plus fréquents de la prise en charge de ces patients, mais à long terme, dès lors qu’il y aura eu une lésion encéphalique, des séquelles neurologiques seront possibles, et pourront donner des handicaps invisibles, notamment neuropsychologiques, pouvant être à l’origine de désinsertion sociale, professionnelle et familiale.


I Physiopathologie

A Régulation cérébrale

Rappelons une formule indispensable : PPC = PAM - PIC.
La PPC (pression de perfusion cérébrale) doit être > 70 mmHg pour permettre une perfusion cérébrale suffisante. Une chute de la PPC sous un seuil critique est à l’origine d’une ischémie cérébrale. Cette dernière dépend de deux paramètres sur lesquels on a une possibilité d’action :

  • la PIC (pression intracrânienne) augmente dans les situations d’hypoxie, d’hypercapnie, d’acidose, d’agitation, de douleur, d’hyperthermie ;
  • la PAM (pression artérielle moyenne) diminue dans les situations d’hypovolémie, de sédation anesthésique excessive.
    Pour maintenir une PPC suffisante, il faut maintenir une PAM > 90 mmHg et une PIC basse.
    Toutefois, si le maintien d’une PPC supérieure à 70 mmHg améliore le pronostic après un TCE, l’observation d’une ischémie cérébrale malgré une PPC supérieure à 70 mmHg est fréquente. Ces états ischémiques délétères, transitoires ou prolongés, ne sont pas détectables en l’absence de mesure du débit sanguin cérébral (DSC). Le DSC est estimé de manière non invasive par le Doppler transcrânien, avec mesure des vitesses systolique et diastolique, et de l’index de pulsatilité .
    La PIC reflète la somme de trois volumes au sein de la boîte crânienne inextensible :

Toute augmentation d’un ou plusieurs de ces volumes/compartiments (par exemple hématome intracérébral, hydrocéphalie) va entraîner une élévation de la PIC. La courbe pression/volume de Langfitt (voir chapitre 8) est exponentielle : au-dessus d’un certain seuil de tolérance, toute augmentation de volume supplémentaire, même minime, s’accompagne d’une élévation majeure de la PIC. Une PIC > 20 mmHg est synonyme d’hypertension intracrânienne (HTIC).

B Biomécanique du TCE

Les TCE sont cinétiques : la tête, supportée par le rachis cervical, ne reste jamais immobile. Si la personne est en mouvement lors du traumatisme, alors la tête décélère au moment de l’impact ; à l’inverse, si la personne est immobile au moment de l’impact, alors la tête subit une accélération.

L’impact va entraîner une déformation voire une rupture des enveloppes (plaie du scalp, fracture) pouvant entraîner des lésions secondaires comme les hématomes intracrâniens. L’énergie du choc non consommée par les enveloppes est transmise au cerveau au niveau du point d’impact, ce qui engendre des déplacements du cerveau et des lésions mécaniques au contact des reliefs internes du crâne (coup et contrecoup). Ces contusions au contact des reliefs osseux sont plus fréquemment rencontrées en regard des lobes frontaux, temporaux et occipitaux (fig. 13.1). Dans le cerveau, l’énergie se dissipe en provoquant des lésions d’étirement-cisaillement à l’interface substance grise-substance blanche : les lésions axonales diffuses.


Fig. 13.1

Illustration schématique du mécanisme de coup (lésions cérébrales [étoiles] au niveau de l’impact [flèche]) et contrecoup (lésions cérébrales [points] à l’opposé de l’impact), valable aussi bien dans le sens longitudinal (antérieur-postérieur), que transversal (droite-gauche) ou vertical (supérieur-inférieur).
Source : dessin de Carole Fumat.


C Lésions primaires et secondaires

Les lésions cranio-encéphaliques primaires correspondent aux lésions structurelles/anatomiques constituées lors de l’impact : elles sont donc inévitables et irréversibles (par exemple hématome extradural, embarrure, plaie craniocérébrale).

Les lésions secondaires se déclenchent de façon retardée (quelques heures ou jours). Elles sont la conséquence des effets métaboliques, cytotoxiques et hémodynamiques engendrés par les lésions primaires. Elles doivent être soigneusement prévenues, dépistées et le cas échéant traitées. Leur prévention implique la correction des agressions cérébrales secondaires d’origine systémique (ACSOS) (tableau 13.1).

Tableau 13.1

Agressions cérébrales secondaires d’origine systémique (ACSOS).

ACSOS Savoir rechercher et corriger
Hypothermie Hémorragie
Hyperthermie Réponse au stress
Hypoglycémie Diabète
Hyperglycémie Réponse au stress
Hypoxémie Dyspnée (centrale ou périphérique)
Hypercapnie Trouble ventilatoire
Hypotension artérielle Hémorragie, trouble du rythme cardiaque
Hypertension artérielle Douleur
Anémie Hémorragie

II Critères de gravité

La gravité d’un TCE est déterminée par le score de Glasgow (Glasgow coma scale, GCS) (tableau 13.2), qui évalue le niveau de conscience.

Tableau 13.2

Score Glasgow.

Score Réponse oculaire Réponse verbale Réponse motrice
6 Normale (ordre simple)
5 Normale Orientée à la douleur (localise la douleur)
4 Yeux spontanément ouverts Confuse Évitement à la douleur
3 Ouverture à la demande Incohérente Flexion stéréotypée (décortication)
2 Ouverture à la douleur Incompréhensible (grognement) Extension stéréotypée (décérébration)
1 Pas d’ouverture des yeux Pas de réponse verbale Pas de mouvement

Il repose sur l’examen de trois items cliniques : l’ouverture des yeux, la réponse verbale et la réponse motrice.
Il prend en compte la meilleure réponse pour chaque item : on ne prend pas en compte la réponse motrice du côté d’un membre déficitaire (pour cause de fracture ou cause neurologique), ni la réponse verbale après intubation orotrachéale, ni l’ouverture des yeux en cas de lésions empêchant l’ouverture palpébrale.
Le GCS est compris entre 3 (minimum) et 15 (maximum). Il permet d’identifier trois situations :

  • traumatisme crânien grave : GCS ≤ 8 ;
  • traumatisme crânien modéré : GCS de 9 à 12 ;
  • traumatisme crânien léger : GCS de 13 à 15.

Le score de Glasgow à la prise en charge a une valeur pronostique indépendante :

  • TCE léger : mortalité globale < 1 %, pronostic fonctionnel favorable dans plus de 90 % des cas ;
  • TCE modéré : mortalité de 10 à 15 %, pronostic fonctionnel favorable dans 50 % des cas ;
  • TCE grave : mortalité entre 20 et 80 %, et seulement 10 à 50 % de pronostic fonctionnel favorable.

III Diagnostic

Il faut savoir suspecter et diagnostiquer un TCE devant tout traumatisme à haute énergie cinétique (chute de hauteur élevée, accident de la voie publique). Les circonstances précises du traumatisme doivent être consignées : date, heure, mécanisme, perte de connaissance initiale. L’interrogatoire recherche également les antécédents et traitements (prise d’anticoagulants).
L’examen clinique neurologique (consigné, en précisant la date et l’heure) doit être exhaustif :

  • GCS ;
  • examen complet du cuir chevelu (plaie, hémorragie active, fuite de LCS) ;
  • déformation crânienne (embarrure) ;
  • rhinorrhée, otorrhée claire suspecte (brèche ostéoméningée [BOM] avec écoulement de LCS) ;
  • pupilles et réflexe photomoteur + autres réflexes du tronc si coma ;
  • testing sensitif/moteur ;
  • examen des nerfs crâniens.
    Cet examen doit dépister des signes de localisation ou d’engagement (témoins d’un TCE grave) :
  • asymétrie faciale à la manœuvre de Pierre Marie-Foix ;
  • diminution de la motricité d’un hémicorps, spontanée ou à la douleur ;
  • hypotonie unilatérale avec chute brutale du membre d’un côté ;
  • asymétrie des ROT ;
  • rigidité de décortication ou décérébration à la stimulation douloureuse ;
  • réflexes du tronc avec désintégration rostrocaudale (score de Liège) (tableau 13.3) ;
  • examen des pupilles : la surveillance du diamètre pupillaire et du réflexe photomoteur doit être répétée. Une anisocorie (mydriase homolatérale) associée à une modification du réflexe photomoteur (faible voire aboli) est un signe d’engagement temporal (compression du nerf oculomoteur commun [III] par l’uncus du lobe temporal dans le foramen de Pacchioni/l’incisure tentorielle) (voir chapitre 8).

Score de Liège

  • Il doit être utilisé en complément du GCS dans les TCE graves.
  • Il explore les réflexes des trois étages du tronc cérébral, dans le sens craniocaudal (de haut en bas).
  • Le dernier réflexe à disparaître, de niveau bulbaire, est le réflexe oculocardiaque ; dans ce cas, se pose la question d’une éventuelle mort encéphalique.

Tableau 13.3

Score de liège.

Réflexes du tronc cérébral Score
Fronto-orbiculaire 5
Oculocéphalique vertical 4
Photomoteur 3
Oculocéphalique horizontal 2
Oculocardiaque 1
Tous absents 0

Réflexe fronto-orbiculaire : la percussion du front entraîne un réflexe de clignement des paupières.Réflexe photomoteur : les pupilles se contractent aux stimuli lumineux.Réflexe oculocardiaque : la compression des globes oculaires occasionne une bradycardie réflexe.
Par prudence, l’évaluation des réflexes oculocéphalogyres ne sera faite qu’après le scanner, c’est-à-dire après avoir éliminé une lésion traumatique instable du rachis cervical.

La respiration dans le cadre d’un TCE doit également être examinée :

  • périodique (de Cheynes-Stokes) : l’amplitude respiratoire augmente puis décroît, cycliquement (lésion mésencéphalo-diencéphalique) ;
  • apneustique (de Kussmaul) : pauses respiratoires en inspiration (atteinte pontique basse) ;
  • ataxique : irrégulière avec des pauses ; l’arrêt respiratoire est imminent (atteinte pontobulbaire).

IV Prise en charge

A Indications des examens radiologiques complémentaires

La classification de Masters (tableau 13.4) définit le risque de lésions intracrâniennes et détermine la nécessité ou non de réaliser un examen radiologique complémentaire. Tout traumatisme crânien doit être classé selon son risque évolutif d’après les groupes de Masters. Cette classification est une aide indispensable pour la demande des examens d’imagerie et pour déterminer la conduite à tenir.

Tableau 13.4

Consensus des groupes à risque (d’après la classification de Masters).

Groupe 1 : risque faible Groupe 2 : risque modéré Groupe 3 : risque élevé
GSC = 15
Asymptomatique
Ou céphalées régressives, vertiges
GSC = 14 ou 15
Amnésie/perte de connaissance initiale
Anamnèse impossible
Intoxication (alcool, drogue)
Céphalées croissantes, vomissements
Épilepsie
Anticoagulants ou troubles de la coagulation
Polytraumatisme
Traumatisme facial important
Plaie pénétrante/fracture
Âge > 65 ans
Enfant < 2 ans
GSC ≤ 13
Signes de focalisation
BOM, embarrure
Pas d’examen radiologique systématique
Surveillance clinique
Éducation/information du patient et entourage
Retour à domicile (RAD) si proximité géographique et entourage fiable, sinon hospitalisation brève pour surveillance
Selon les cas :
– hospitalisation 24–48 h pour surveillance et scanner en fonction de l’évolution
– scanner d’emblée et (en cas de normalité) possibilité de RAD avec consignes de surveillance si proximité géographique et entourage fiable
Scanner en urgence
Transfert vers un centre avec plateau technique adapté (réanimation/neurochirurgie)

Source : d’après Masters SJ, McClean PM, Arcarese JS et al. Skull x-ray examinations after head trauma. Recommendations by a multidisciplinary panel and validation study. N Engl J Med 1987 ; 316(2) : 84–91.Le scanner cérébral sans injection est l’examen de référence. Il permet de rechercher des lésions cérébrales et osseuses. Il peut être complété par un angioscanner à la recherche d’éventuelles lésions vasculaires associées (dissection de l’artère carotide interne ou vertébrale) et pour évaluer la perfusion cérébrale.

L’IRM n’a pas de place à la phase aiguë de la prise en charge d’un TCE grave. Elle pourra être utile ultérieurement pour faire un bilan détaillé des lésions anatomiques (lésions axonales diffuses).

Au moindre doute, un scanner du rachis cervical doit être réalisé en même temps que le scanner cérébral. Dans le cas d’un polytraumatisme, le bilan clinique initial détermine la réalisation d’explorations radiologiques autres que cranio-cervico-encéphaliques. En pratique, un scanner corps entier incluant des coupes osseuses de l’ensemble du rachis est réalisé.


Tout traumatisé crânien grave :

  • est un polytraumatisé jusqu’à preuve du contraire ;
  • est un traumatisé du rachis jusqu’à preuve du contraire ;
  • doit bénéficier d’une prévention et d’une correction des ACSOS.

B Prise en charge des TCE modérés et graves

Un GCS ≤ 8 après correction des fonctions hémodynamique et respiratoire définit un TCE grave. Le patient est donc intubé, ventilé et sédaté. Les ACSOS sont prévenues, recherchées et traitées.
Deux situations courantes sont identifiées, en fonction de la clinique et des lésions :

  • une lésion d’emblée chirurgicale est découverte :
    • il s’agit principalement des hématomes extraduraux, sous-duraux ou intracérébraux, d’une embarrure sévère, d’une plaie craniocérébrale, d’une hydrocéphalie aiguë,
    • le patient est opéré en urgence,
    • un capteur pour monitorage invasif continu de la PIC est souvent mis en place à cette occasion ;
  • il n’y a pas de lésion d’emblée chirurgicale :
    • le patient sera hospitalisé en réanimation ;
    • avec un monitorage invasif continu de la PIC en cas de GCS ≤ 8, pour contrôler la PPC et diagnostiquer en temps réel une HTIC.
    • NB : Le monitorage invasif continu de la PIC est largement utilisé pour la surveillance de patients intubés, ventilés et sédatés, dont l’examen neurologique est très limité.
  • Les autres mesures thérapeutiques sont :
  • la mise en place d’une antalgie ;
  • la correction des troubles d’hémostase : suspension/réversion des traitements antiagrégants/anticoagulants ;
  • la lutte contre les ACSOS :
    • maintien d’une saturation en oxygène ≥ 90 %, avec normocapnie (35–38 mmHg),
    • maintien de la PAM > 90 mmHg, avec normovolémie,
    • maintien d’une glycémie entre 6 et 9 mmol/l,
    • maintien d’une température entre 35 et 37 °C,
    • correction d’une anémie (objectif hémoglobinémie > 9 g/dl),
    • maintien de la PPC > 70 mmHg et de la PIC le plus proche possible de la normale ;
  • la tête est légèrement surélevée (30°) avec un rachis cervical aligné (amélioration du drainage veineux) ;
  • la prévention des complications infectieuses et thromboemboliques et des coagulopathies (par exemple la coagulation intraveineuse disséminée) ;
  • il n’est pas mis en place de prophylaxie antiépileptique systématique dans les TCE ;
  • une prise en charge neurochirurgicale peut être nécessaire en cas d’HTIC réfractaire aux techniques de neuroréanimation : les hématomes collectés de volume significatif seront évacués ; en cas d’hydrocéphalie, un drain ventriculaire externe (DVE) sera posé. Une crâniectomie décompressive pourra être discutée en dernier recours (fig. 13.2).

Fig. 13.2

Exemple de crâniectomie décompressive (dépose d’un volet osseux bifrontal) réalisée devant une HTIC post-traumatique rebelle.


NB : À la prise en charge d’un polytraumatisé souffrant notamment d’un TCE grave, il faut toujours chercher à protéger l’encéphale. Les seules chirurgies envisageables en urgence sont les chirurgies vitales (fracture de rate, par exemple). Tout geste chirurgical peut en effet induire un saignement et des difficultés de contrôle tensionnel qui peuvent avoir des conséquences gravissimes sur la perfusion cérébrale.


Synthèse des facteurs pronostiques dans le TCE grave

Facteurs communs

  • L’âge : le pronostic devient moins bon après 35 ans ; à TCE identique, plus l’âge augmente, moins le pronostic est favorable.

  • Le sexe : si le TCE touche deux tiers d’hommes, il semble que les femmes récupèrent moins bien que les hommes.
  • L’état neurologique : plus le GCS est bas, moins le pronostic est favorable.
  • Les lésions associées aggravent le pronostic (polytraumatisme).
  • La présence de comorbidités (antithrombotiques, éthylisme chronique) aggrave le pronostic.
  • Une détérioration secondaire clinique ou scanographique aggrave le pronostic.

Facteurs prédictifs de décès à court terme

  • Le GCS : pour les scores entre 3 et 4, la mortalité globale est proche de 75 %.
  • Le scanner : la déviation de la ligne médiane supérieure à 5 mm est associée à une mortalité plus importante.
  • Les ACSOS : un paramètre altéré multiplie par deux la mortalité ; deux paramètres altérés triplent cette mortalité.

Facteurs radiologiques de mauvais pronostic

  • L’effacement des citernes de la base, le déplacement de la ligne médiane de plus de 5 mm.
  • L’existence d’un hématome sous-dural aigu (associé dans près des trois quarts des cas à des foyers de contusion cérébrale).
  • L’existence d’une hémorragie intraventriculaire importante.
  • Un hématome au niveau des noyaux gris centraux.
  • La présence de lésions axonales diffuses et, si l’IRM est faite, l’existence de lésions mésencéphaliques.

Facteurs physiologiques de mauvais pronostic

  • Une PIC supérieure à 20 mmHg, malgré le traitement de l’HTIC.
  • Un DSC inférieur ou égal à 30 ml/min/100 g de matière cérébrale.
  • Une PPC inférieure à 50 mmHg.

Facteurs prédictifs négatifs à long terme

  • La durée du coma (critique au-delà de 3 semaines).
  • Un score de Liège bas.
  • Un bas niveau socio-éducatif préalable.
  • Un milieu familial non aidant.

V Complications précoces

A Évolution des hémorragies intracrâniennes

1 Hématome extradural

L’hématome extradural (HED) (fig. 13.3) est la plus rare des complications du TCE (1 à 4 %), mais c’est aussi la plus grande urgence neurochirurgicale vitale. Il est plus fréquent chez l’adulte jeune. Dans sa forme pure, opérée précocement, le pronostic est favorable. Néanmoins, la mortalité reste élevée (5 à 10 %) et augmente si les patients sont opérés en coma avec ou sans mydriase ; le décès est très rapide en l’absence de traitement chirurgical. Il faut donc les diagnostiquer le plus précocement possible.


Fig. 13.3

Scanner cérébral montrant deux patients différents avec chacun un HED (hyperdensité biconvexe).
A. Le patient présente un effet de masse important avec déviation de la ligne médiane. B. Le patient présente en plus de l’HED une contusion intraparenchymateuse frontale droite (de contrecoup) et un hématome intraparenchymateux frontal gauche.


La description typique est une séquence classique, « en trois temps » : un traumatisme crânien ; un intervalle libre (délai avant l’aggravation) ; puis une aggravation rapide décalée, avec troubles de la conscience et mydriase homolatérale (engagement temporal). Il peut exister d’autres présentations cliniques, en fonction de la localisation et de la vitesse de constitution de l’hématome.

Le scanner fait le diagnostic, en montrant une hyperdensité spontanée en lentille biconvexe juxta-osseuse ; les angles de raccordement à l’os sont aigus. Cet examen localise l’hématome, montre son épaisseur, permet d’évaluer le retentissement, c’est-à-dire l’effet de masse sur les structures cérébrales (effacement du système ventriculaire, déviation de la ligne médiane, engagement temporal), et d’analyser des lésions éventuellement associées (jusqu’à 50 %), comme la fracture de l’écaille de l’os temporal (avec plaie concomitante de l’artère méningée moyenne dans la zone décollable dite de Gérard Marchand).

C’est une urgence chirurgicale absolue :

  • évacuation des caillots sanguins par un volet osseux (craniotomie) circonscrivant l’HED ;

  • hémostase du foyer hémorragique actif (trait de facture, plaie de l’artère méningée moyenne) ;
  • suspension de la dure-mère au pourtour du volet osseux (pour éviter la poursuite du décollement dural et la récidive de l’HED)


    Hématome extradural

  • Rare mais grave, potentiellement mortel.

  • Il nécessite un diagnostic urgent.
  • Il est dû le plus souvent au saignement d’une artère méningée.
  • L’hématome est localisé entre l’os et la dure-mère : lentille biconvexe au scanner.
  • Dans les formes symptomatiques, plus la chirurgie est précoce, meilleur est le pronostic.

    2 Hématome sous-dural aigu

    L’hématome sous-dural aigu (HSDA) (fig. 13.4) survient après un traumatisme violent. La mortalité est très élevée (40 à 90 % des cas). L’âge avancé et un important effet de masse sont corrélés à un mauvais pronostic. L’HSDA est le plus souvent associé à des contusions cérébrales, qui aggravent le pronostic.


    Fig. 13.4

    Hématome sous-dural aigu.
    Le scanner met en évidence une hyperdensité hémisphérique droite avec effacement des sillons corticaux, déviation de la ligne médiane et disparition des ventricules latéraux.


    Les troubles de la conscience sont fréquents et précoces, sans véritable intervalle libre. Les signes de localisation et d’engagements dépendent de la topographie de l’HSDA.
    Le scanner (fig. 13.4) montre une hyperdensité spontanée juxta-osseuse moulant la convexité de l’hémisphère cérébral en forme de croissant avec des limites effilées. Le scanner localise l’hématome (les formes le long de la faux du cerveau ou sur la tente du cervelet sont moins faciles à repérer), montre son épaisseur, permet d’évaluer son retentissement, c’est-à-dire son effet de masse sur les structures cérébrales, et d’analyser les lésions cérébrales (contusions) associées.

L’évacuation chirurgicale est réalisée le plus souvent par un volet étendu avec ouverture durale, lavage et contrôle de l’hémostase.


Hématome sous-dural aigu

  • L’HSDA est souvent dû à un saignement veineux (veines corticodurales).

  • Il est très souvent associé à des contusions parenchymateuses.
  • Il a un pronostic vital et fonctionnel défavorable.
  • La chirurgie est discutée pour les hématomes de plus de 5 mm d’épaisseur.
  • La protection cérébrale s’impose dès que possible.

    3 Hémorragie sous-arachnoïdienne (hémorragie méningée)

    L’hémorragie sous-arachnoïdienne (HSA) traumatique est souvent associée à une contusion cérébrale ou à un HSDA. Lorsqu’elle est pure et de localisation évocatrice (citernes de la base, vallées sylviennes, scissure interhémisphérique), elle doit faire rechercher un anévrisme rompu du polygone de Willis ayant provoqué un malaise inaugural suivi d’un traumatisme crânien. Il ne faut pas hésiter à demander un angioscanner.
    Les symptômes et signes cliniques sont ceux d’un syndrome méningé non traumatique : céphalées, phonophotophobie, nausées et vomissements, fébricule à 38 °C ; le patient est prostré, somnolent, avec une raideur de nuque, signes de Brudzinski et de Kernig (contracture réflexe des muscles paravertébraux).
    Au scanner, l’HSA traumatique apparaît comme une hyperdensité spontanée des espaces sous-arachnoïdiens de la convexité des hémisphères (topographie qui la distingue de l’HSA d’origine anévrismale) (fig. 13.5).


    Fig. 13.5

    HSA post-traumatique sylvienne gauche, probablement de contrecoup puisque l’on constate un hématome sous-cutané en région occipitale droite.
    Il existe également des foyers de contusion dans le lobe frontal gauche.


    Le traitement est médical : il faut soulager le patient avec des antalgiques et antiémétiques. L’évolution spontanée est habituellement favorable en quelques jours, mais attention au risque d’hydrocéphalie chronique à plus long terme.
    4 Contusion et hématome intracérébral

    La contusion cérébrale est liée à l’onde de choc ; elle peut être isolée ou associée à d’autres lésions hémorragiques ou œdémateuses (fig. 13.6). L’hématome peut également être responsable d’une HTIC et d’un engagement. En fonction de son volume, de sa répercussion et de la clinique, on peut parfois proposer une évacuation chirurgicale.


    Fig. 13.6

    Scanner montrant des contusions bifrontales (et une HSA traumatique sylvienne droite).


    Ces lésions focales, découvertes sur le scanner initial, doivent faire l’objet d’une surveillance clinique et scanographique attentive car elles sont évolutives : le scanner à 48 heures montre souvent une aggravation franche de l’étendue des contusions et de l’œdème qui les accompagne (fig. 13.7).


    Fig. 13.7

    Scanner illustrant l’évolutivité des contusions cérébrales post-traumatiques.
    Patient de 60 ans, victime d’une chute d’échelle avec TCE. GCS = 14 à l’arrivée à l’hôpital. L’imagerie initiale met en évidence une petite contusion du lobe temporal gauche, ainsi qu’une petite lame d’HSDA. À 24 h, l’état neurologique du patient s’aggrave, avec un GCS = 11. L’imagerie est renouvelée et retrouve une aggravation franche de la contusion initiale, transformée en un véritable hématome collecté du lobe temporal gauche.


    B Lésions axonales diffuses
    Les lésions axonales diffuses sont souvent associées à un coma d’emblée. Elles peuvent se traduire au scanner par des petits foyers hyperdenses disséminés, mais souvent le scanner initial ne permet pas de les détecter et c’est l’IRM à distance qui les révélera (utilisation de séquences spécifiques, par exemple T2* (écho de gradient) ou SWI) (fig. 13.8).


    Fig. 13.8

    IRM en pondération T2* (écho de gradient), coupe axiale.
    Lésions axonales diffuses, visibles sous la forme d’hyposignaux intracérébraux multiples et disséminés.


    C Œdème cérébral
    Un œdème cérébral peut être présent d’emblée (TCE violent) ou apparaître secondairement (fig. 13.9). Il peut être isolé ou accompagné d’une autre lésion. Sa constatation est péjorative et impose la mise en place d’une réanimation intensive.


    Fig. 13.9

    Scanner. Œdème cérébral diffus avec disparition des sillons corticaux, dédifférenciation substance grise-substance blanche, absence de visualisation des citernes de la base.


    D HTIC

    Voir chapitre 8.
    E Engagement cérébral
    Voir chapitre 8.
    F Lésions ostéodurales
    1 Embarrure

    L’embarrure correspond à une fracture du crâne associée à un enfoncement. Des lésions (sous-)cutanées sont toujours associées et peuvent rendre difficile le diagnostic clinique, par exemple en présence d’un hématome du scalp dont le relief vient masquer l’enfoncement (fig. 13.10). Le diagnostic est fait au scanner.


    Fig. 13.10

    Scanner avec reconstruction tridimensionnelle (3D). Embarrure de la voûte crânienne frontopariétale bilatérale avec un trait de fracture linéaire de l’os frontal droit.


Une réduction – ostéosynthèse – de l’embarrure est indiquée en cas de compression significative exercée sur un sinus veineux (risque de thrombose ou d’HTIC par gêne au retour veineux) ou sur le cortex (risque de déficit focal et/ou d’épilepsie).

L’embarrure de la paroi postérieure du sinus frontal doit faire suspecter une BOM avec risque de rhinorrhée de LCS et de complication infectieuse (empyème, abcès, méningite).
2 Plaie craniocérébrale

Une plaie craniocérébrale (fig. 13.11) correspond à un traumatisme pénétrant, responsable d’une solution de continuité de tous les plans de couverture séparant le cerveau du milieu extérieur (dure-mère, os, scalp). Le diagnostic est facile en cas d’extériorisation de matière cérébrale et/ou de LCS à travers la plaie ; sinon, il peut être fait lors du parage d’une plaie.


Fig. 13.11

Scanner d’une plaie craniocérébrale.
Tentative de suicide par arme à feu. Plaie ouverte avec perte de substance en région temporale droite, présence de projectiles dans les parties molles sous-cutanées et le parenchyme cérébral, fracture-éclatement de l’écaille de l’os temporal, HSA et HSDA de l’hémisphère droit.


Le traitement consiste, en urgence, en un nettoyage-parage de la plaie avec fermeture étanche plan par plan. Une antibioprophylaxie, quelle que soit la nature du traumatisme (traumatisme balistique compris) est systématique.
3 Fractures de la base du crâne
Brèche ostéoméningée (BOM)

La base du crâne est divisée en trois étages : antérieur, moyen et postérieur (fig. 13.12). L’étage antérieur est en rapport avec les sinus frontal et ethmoïdal ; l’étage moyen avec le sinus sphénoïdal ; l’étage postérieur avec la mastoïde. Dans le cas d’une fracture de la base du crâne, si la dure-mère est également déchirée, il peut y avoir une mise en communication directe des espaces méningés avec les cavités aériques des sinus paranasaux et/ou de l’oreille moyenne, donc avec le milieu extérieur et sa flore microbienne. On parle alors de BOM.


Fig. 13.12

Vue endocrânienne de la base du crâne.
A. Étage antérieur (partie orbitonasale de l’os frontal, lame criblée de l’ethmoïde, petites ailes du sphénoïde), sur lequel reposent les lobes frontaux et les nerfs olfactifs. M. Étage moyen, avec les grandes ailes et le corps du sphénoïde, et la partie pétreuse (ou rocher) de l’os temporal, sur lequel reposent les lobes temporaux. P. Étage postérieur (clivus de l’os sphénoïde, partie postérieure de l’os pétreux et os occipital), contenant le tronc et le cervelet. La flèche indique l’apophyse crista galli au centre de la lame criblée de l’ethmoïde laissant passer les filets olfactifs (nerf I).


Les BOM sont importantes à diagnostiquer et à traiter (fermeture chirurgicale) car il existe un risque majeur de complication infectieuse (pneumocoque et Haemophilus influenzae notamment) : méningite, empyème, abcès.
Une fracture de la base du crâne doit être recherchée devant tout traumatisme crânien associé à un traumatisme de l’étage moyen de la face, notamment lorsqu’il existe un hématome ou une ecchymose « en lunettes » (fig. 13.13 et 13.14) et/ou une anosmie (section des filets olfactifs lors d’une fracture de l’ethmoïde).


Fig. 13.13

Hématome en lunette.
Il impose de rechercher une fracture de l’étage antérieur de la base du crâne.



Fig. 13.14

Scanner en fenêtre osseuse. Fracas osseux de l’étage antérieur de la base du crâne, faisant suspecter une BOM.


L’examen clinique devra également rechercher une rhinorrhée de LCS chez un patient en position assise ou debout, tête penchée vers l’avant. La rhinorrhée de LCS apparaît sous la forme d’un écoulement clair, « eau-de-roche », spontané ou provoqué par une manœuvre de Valsalva (qui augmente la PIC). En position couchée, le LCS s’écoule en direction du pharynx et peut être dégluti. En cas de doute sur la nature du liquide, on utilise une bandelette test (bandelette urinaire) à la recherche de glucose et/ou on effectue un dosage de la β2-transferrine (beaucoup plus sensible et spécifique).
Toute suspicion de BOM doit :
faire réaliser une vaccination anti-pneumocoque et anti-Haemophilus ;
être explorée en urgence par imagerie, avec un scanner en coupes jointives, qui recherche :
un trait de fracture intéressant la paroi postérieure du sinus frontal, l’ethmoïde ou le sinus sphénoïdal,
l’existence d’une pneumencéphalie (fig. 13.15) due à la pénétration intradurale d’air.


Fig. 13.15

Scanner. Pneumencéphalie majeure sur BOM. L’air apparaît en hypodensité.


Plus rarement, on peut observer un écoulement de LCS par l’oreille (otoliquorrhée) dans le cadre d’une fracture du rocher. Il faut alors rechercher une hypoacousie, une paralysie faciale périphérique, une otorragie. On note souvent une ecchymose rétromastoïdienne.

Atteinte des nerfs crâniens
La base du crâne est traversée par des foramens qui, pour certains d’entre eux, hébergent des nerfs crâniens, sensitifs, moteurs, sensoriels ou mixtes. En cas de fracture de l’un des trois étages de la base du crâne, on comprend que l’un ou plusieurs de ces nerfs crâniens puissent être lésés :

  • anosmies par atteinte des nerfs olfactifs lors d’une fracture de l’étage antérieur ;
  • diplopie par atteinte des nerfs oculomoteurs en cas de fracture passant par la fissure orbitaire supérieure ;
  • paralysie faciale périphérique et hypoacousie en cas de fracture du rocher translabyrinthique ;
  • beaucoup plus rarement, une paralysie du nerf hypoglosse en cas de fracture du condyle occipital.

Lésions vasculaires
Dissection de l’artère carotide interne ou vertébrale
Il s’agit le plus souvent de l’artère carotide interne dans sa portion extracrânienne cervicale. La dissection peut être due par exemple à un traumatisme cervical par la ceinture de sécurité. Il faut y penser devant un accident ischémique après un traumatisme crânien, d’autant plus qu’il existe une cervicalgie, des céphalées ou un syndrome de Claude Bernard-Horner. L’observation d’un souffle carotidien est rare. Le diagnostic est fait par un angioscanner ou une angio-IRM (on voit l’hématome de la paroi artérielle, avec sténose de sa lumière). Le traitement est médical, avec anticoagulation pour éviter la thrombose extensive d’aval puis faciliter la reperméabilisation. Le pronostic est réservé lorsque les lésions ischémiques sont massives, et aussi car l’anticoagulation peut faciliter des hémorragies secondaires dans ce contexte post-traumatique.
L’artère vertébrale peut également être atteinte, notamment s’il y a une fracture du rachis cervical (passant par le foramen transversaire) associé au traumatisme crânien.

Épistaxis post-traumatique
Le plus souvent, l’épistaxis est tributaire de branches ethmoïdales de l’artère carotide externe. La rupture de l’artère carotide interne dans le sinus sphénoïdal se traduit par une épistaxis foudroyante, mettant en jeu le pronostic vital, mais elle est rarissime. Le traitement est endovasculaire (embolisation).

Fistule carotidocaverneuse
Il s’agit d’une communication post-traumatique anormale entre l’artère carotide interne (dans sa portion intracaverneuse) et le sinus caverneux. La clinique est celle d’un souffle systolodiastolique audible au stéthoscope, avec exophtalmie unilatérale pulsatile, chémosis, ophtalmoplégie parfois complète (compression des nerfs oculomoteurs dans le sinus caverneux sous l’effet de l’hyperpression veineuse) et baisse d’acuité visuelle plus ou moins importante. L’examen ophtalmologique est indispensable : mesure de l’acuité visuelle et fond d’œil/ophtalmoscopie (œdème papillaire, hémorragies). Le scanner cérébral injecté peut visualiser de grosses veines ophtalmiques, reflets indirects de la fistule, mais c’est l’angiographie qui fera le diagnostic. Le traitement est endovasculaire (embolisation). Traitée précocement, la fistule carotidocaverneuse est de bon pronostic.

4 Autres complications précoces

Épilepsie ; maladie thromboembolique périphérique (du fait du décubitus prolongé) ou intracrânienne (par exemple thrombose du sinus sigmoïde en cas de trait de fracture passant par la mastoïde).

VI Complications à moyen terme

A Complications infectieuses
Elles sont d’origine systémique (urinaire, pulmonaire) et, dans ces cas, dues à l’hospitalisation prolongée (réanimation), ou d’origine intracrânienne (BOM, plaie craniocérébrale avec présence de corps étrangers) : méningite, abcès cérébral, empyème extra- ou sous-dural.

B Complications thromboemboliques
Il faut savoir dépister une thrombose veineuse profonde et/ou une embolie pulmonaire, favorisées par le décubitus prolongé ou la prescription trop retardée d’anticoagulation préventive dans le cas de lésions hémorragiques intracrâniennes.

VII Complications à long terme et séquelles neurologiques

A Hématome sous-dural chronique

Voir chapitre 14.
B Hydrocéphalie chronique
Voir chapitre 9.
C Spasticité et handicap locomoteur

La spasticité (hypertonie de type « élastique ») prédomine en extension aux membres inférieurs et en flexion aux membres supérieurs. Elle provoque des rétractions musculotendineuses qui sont douloureuses et fonctionnellement invalidantes.
La prise en charge de la spasticité (en RCP) comporte :

  • kinésithérapie précoce (dès le stade de la réanimation) ;
  • baclofène (Liorésal®) par voie orale voire intrathécale (perfusion continue dans le LCS via une pompe implantable connectée à un cathéter spinal) ;
  • injections locales de toxine botulinique ;
  • autres : interventions chirurgicales (neurotomies sélectives, ténotomies).

D Troubles du langage et aphasies

De sémiologie très variée en fonction des régions cérébrales concernées par les lésions traumatiques : troubles de la fluence, agrammatisme, manque du mot, difficultés d’accès lexical, paraphasies, troubles de la compréhension, etc.

E Douleurs neuropathiques

Voir chapitre 6.

F États de conscience altérés prolongés (état végétatif, état de conscience minimal)

Au-delà du premier mois, on parle de trouble de la conscience prolongé. Stricto sensu, le patient n’est plus dans le coma (les yeux s’ouvrent) et il évolue vers un état d’éveil non répondant (état végétatif) ou un état de conscience minimale (état paucirelationnel). Ces deux états sont définis cliniquement. L’état d’éveil non répondant correspond à l’absence de réponse consciente, et l’état de conscience minimale à la présence de réponses conscientes mais fugaces et inconsistantes. La chronicité d’un état d’éveil non répondant ne sera considérée qu’à partir de 12 mois, et plutôt 3 à 5 ans pour un état de conscience minimale. Il n’y a pas de traitement spécifique, au-delà du premier mois, pour faciliter la récupération neurologique. On parle d’émergence lorsque le patient n’a plus de troubles de la conscience. L’émergence tardive débouche le plus souvent sur des séquelles neurologiques très lourdes nécessitant une prise en charge médicosociale spécifique.

G Épilepsie

Voir chapitre 10 § Épilepsie.

H Troubles cognitifs, de l’humeur et du comportement

Les troubles cognitifs et comportementaux persistants qui pourront devenir séquellaires sont très fréquents. Ils sont souvent mal identifiés, le patient et l’entourage n’osant pas toujours en parler. On distingue aussi le syndrome de stress post-traumatique, qui se manifeste chez certains malades ayant un vécu psychologique de l’accident non proportionnel à sa sévérité physique. Il s’agit d’un trouble anxieux qui nécessite un avis psychiatrique.


Points clés

  • Après un traumatisme cranio-encéphalique, les lésions résultent de deux mécanismes : les lésions d’impact (coup et contrecoup) et les lésions d’étirement-cisaillement.
  • Les lésions résultant d’un traumatisme cranio-encéphalique sont évolutives : il faut distinguer les lésions initiales dites primaires (inévitables et irréversibles) des lésions secondaires (qu’il faut savoir prévenir, dépister et le cas échéant traiter).
  • La prise en charge des agressions cérébrales secondaires d’origine systémique (ACSOS) est fondamentale.
  • Tout traumatisé du crâne est un traumatisé du rachis cervical jusqu’à preuve du contraire.
  • Un score de Glasgow ≥ 13 à la prise en charge initiale définit un traumatisme cranio-encéphalique léger.
  • Les modalités de surveillance et de prise en charge des traumatismes cranio-encéphaliques légers dépendent de l’état neurologique du patient, de ses symptômes et de ses antécédents.
  • Toute victime d’un traumatisme cranio-encéphalique modéré ou grave relève d’un transfert médicalisé vers un centre disposant d’un scanner, d’une réanimation et d’un service de neurochirurgie.
  • L’évaluation neurologique d’un patient comateux (traumatisme cranio-encéphalique grave) repose sur le score de Glasgow et sur l’examen des réflexes du tronc cérébral (score de Liège).
  • L’examen de référence à la phase aiguë est le scanner cérébral.
  • La décision thérapeutique devant un traumatisme cranio-encéphalique relève des équipes de réanimation et de neurochirurgie. Elle est centrée sur la protection cérébrale : évaluation des lésions primaires, parfois intervention neurochirurgicale d’emblée en cas de lésion hématique collectée significative, monitorage invasif continu de la pression intracrânienne et optimisation de la pression de perfusion cérébrale, prise en charge des ACSOS.
  • L’hématome extradural lorsqu’il est de taille significative est une urgence neurochirurgicale absolue.
  • L’hématome sous-dural aigu est souvent associé à des lésions parenchymateuses (contusions) graves.
  • Les contusions œdémato-hémorragiques doivent faire l’objet d’une surveillance clinique et scanographique attentive, en raison du risque d’aggravation secondaire.
  • Lorsqu’un traumatisme de l’étage moyen de la face est associé au traumatisme crânien, il existe un risque de fracture de la base du crâne. Il faut alors rechercher une brèche ostéoméningée à l’examen clinique (rhinorrhée de LCS) et en imagerie. Toute suspicion de brèche ostéoméningée impose une vaccination anti-pneumocoque et anti-Haemophilus.
  • Toute suspicion de dissection de l’artère carotide interne ou vertébrale doit faire réaliser un angioscanner du crâne et des vaisseaux du cou.

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