#12 Item 244 : Adénomes hypophysaires. Aspects neurochirurgicaux

Rappel anatomique
Modes de découverte
Conduite à tenir
Les différentes situations rencontrées
Chirurgie
Conclusion


Situations de départ

12 Nausées.
13 Vomissements.
21 Asthénie.
33 Difficulté à procréer.
41 Gynécomastie.
42 Hypertension artérielle.
51 Obésité et surpoids.
57 Prise de poids.
61 Syndrome polyuropolydypsique.
63 Troubles sexuels et troubles de l’érection.
78 Acné.
79 Hirsutisme.
94 Troubles du cycle menstruel.
118 Céphalée.
138 Anomalies de la vision.
143 Diplopie.
155 Rhinorhée.
183 Analyse du liquide cérébrospinal (LCS).
194 Analyse du bilan thyroïdien.
201 Dyskaliémie.
202 Dysnatrémie.
226 Découverte d’une anomalie du cerveau à l’examen d’imagerie médicale.
230 Rédaction de la demande d’un examen d’imagerie.
231 Demande d’un examen d’imagerie.
251 Prescrire des corticoïdes par voie générale ou locale.
328 Annonce d’une maladie chronique.
355 Organisation de la sortie d’hospitalisation.


Objectifs pédagogiques

  • Diagnostiquer un adénome hypophysaire.
  • Diagnostiquer un syndrome tumoral.
  • Diagnostiquer une hypersécrétion antéhypophysaire ou une insuffisance antéhypophysaire.

Hiérarchisation des connaissances

Rang Rubrique Intitulé Descriptif
Diagnostic positif Identifier les éléments d’un syndrome tumoral neurohypophysaire Céphalées, anomalies du champ visuel, hypertension intracrânienne
Diagnostic positif Identifier les signes cliniques orientant vers une hypersécrétion antéhypophysaire Signes d’hyperprolactinémie, syndrome dysmorphique lié à l’excès de GH, syndrome de Cushing ou une comorbidité révélatrice d’hypersécrétion comme l’apnée du sommeil, l’HTA
Diagnostic positif Identifier un tableau d’insuffisance antéhypophysaire associée Signes cliniques orientant vers insuffisance corticotrope, thyréotrope, gonadotrope
Diagnostic positif Connaître les signes d’un diabète insipide Polyurie hypo-osmotique et polydipsie
Examens complémentaires Savoir prescrire un bilan hormonal antéhypophysaire « statique » Prolactine, IGF1, cortisol à 8 h et ACTH à 8 h, FSH, LH, 17β-estradiol (F) ou testostérone (H)
Examens complémentaires Connaître les indications de l’IRM hypophysaire en fonction du contexte clinique et biologique Ne pas faire faire d’IRM systématique pour prolactinémie < 50 ng/ml
Diagnostic positif Rechercher les autres causes d’hyperprolactinémie si adénome à prolactine suspecté Connaître les hyperprolactinémies iatrogènes et fonctionnelles

Pour comprendre

Les adénomes hypophysaires sont des tumeurs glandulaires se développant dans l’antéhypophyse. Ce sont des tumeurs bénignes dans l’immense majorité des cas. La prise en charge diagnostique et thérapeutique est multidisciplinaire (endocrinologue, neuroradiologue, neurochirurgien, ophtalmologue, radiothérapeute, médecin généraliste).


I Rappel anatomique

L’hypophyse est située dans la selle turcique (fig. 12.1 et 12.2). La selle turcique est creusée dans l’os sphénoïde, os médian de la base du crâne variablement pneumatisé d’un sujet à l’autre. Elle surplombe le sinus sphénoïdal qui, chez l’adulte, est totalement ou partiellement pneumatisé dans 80 % des cas. Elle est entourée de dure-mère (il n’y a pas d’arachnoïde à l’état normal dans la selle turcique). Elle est bordée en dehors par les deux sinus caverneux, comprenant le nerf ophtalmique de Willis (division V1 du nerf trijumeau), les trois nerfs oculomoteurs (nerf oculomoteur commun [III], nerf trochléaire [IV], nerf abducens [VI]) et l’artère carotide interne. La selle turcique est fermée vers le haut par le diaphragme sellaire qui est un repli de la dure-mère sous le chiasma optique. L’hypophyse est reliée à l’hypothalamus par la tige pituitaire qui traverse le diaphragme sellaire.


Fig. 12.1

IRM en pondération T1, coupe coronale.

1. Chiasma optique ; 2. Tige hypophysaire ; 3. Hypophyse ; * sinus sphénoïdal. La flèche indique le sinus caverneux.


Fig. 12.2

Vue sagittale schématique de la loge hypophysaire.

L’hypophyse est embryologiquement formée par deux parties : l’antéhypophyse et la posthypophyse. L’antéhypophyse, glandulaire (aussi appelée adénohypophyse), provient du diverticule pharyngé de Rathke. C’est au niveau de l’antéhypophyse que les adénomes se développent. La posthypophyse (aussi appelée neurohypophyse) provient d’une expansion inférieure du diencéphale. Ces deux parties se rejoignent pour former l’hypophyse. Entre elles, il existe souvent une fente apparaissant en hypersignal T2 sur l’IRM : la fente de Rathke (correspondant embryologiquement à la berge postérieure de la poche de Rathke). Entre l’anté- et la posthypophyse, il existe un lobe vestigial, la pars intermedia, pouvant générer des kystes muqueux.
Source : dessin de Carole Fumat.


L’hypophyse est vascularisée par deux systèmes distincts :

  • un système artériel : les artères hypophysaires inférieure et supérieure, provenant de l’artère carotide interne ;
  • un système porte (défini par un réseau capillaire à ses deux extrémités) issu des artères hypophysaires supérieures qui relie l’hypothalamus à l’antéhypophyse. Les stimulines hypophysaires d’origine hypothalamique sont acheminées par ce système porte de l’hypothalamus vers l’antéhypophyse.

Le drainage veineux de l’hypophyse se fait via les deux sinus caverneux. C’est par ce réseau veineux que les hormones hypophysaires sont acheminées dans la circulation générale.

II Modes de découverte

Les modes de découvertes d’un adénome de l’hypophyse sont les suivants :

  • syndrome tumoral :
    • troubles visuels (liés à la compression du chiasma optique et/ou des nerfs optiques) avec la classique hémianopsie bitemporale (fig. 12.3),

Fig. 12.3

Champ visuel : hémianopsie bitemporale.

C’est au niveau du chiasma optique que s’entrecroisent les voies optiques. Les fibres provenant des champs rétiniens temporaux (véhiculant les informations provenant des champs visuels nasaux) restent homolatérales au niveau du chiasma optique et sont relativement épargnées lorsqu’un adénome comprime le chiasma optique en son milieu. En revanche, les fibres provenant des champs rétiniens nasaux (véhiculant les informations provenant des champs visuels temporaux) décussent (c’est-à-dire croisent, changent de côté) au niveau de la partie centrale du chiasma optique et sont donc concernées en premier si un adénome vient le comprimer.
Source : dessin de Carole Fumat.


    • céphalées dont la relation avec l’adénome est souvent difficile à établir du fait de la fréquence des céphalées communes,
    • rarement, syndrome caverneux par compression ou invasion du sinus caverneux (névralgie en territoire V1, diplopie par atteinte des nerfs oculomoteurs) ;
  • syndromes d’hypersécrétion hormonale :
    • hyperprolactinémie (aménorrhée, galactorrhée),
    • hypersécrétion d’hormone de croissance (acromégalie),
    • hypercorticisme (maladie de Cushing),
    • hyperthyroïdie ;
  • syndrome d’insuffisance antéhypophysaire : déficit d’une ou plusieurs des hormones normalement sécrétées par l’hypophyse.

    Il est important de noter que jamais un adénome n’est responsable d’un diabète insipide central (diagnostic différentiel : craniopharyngiome, métastase hypophysaire, pathologie inflammatoire de la tige pituitaire, neurohypophysite, etc.).


    Enfin, ces adénomes peuvent être découverts fortuitement, à l’occasion d’une IRM prescrite pour une tout autre raison. On parle alors d’incidentalome.

III Conduite à tenir

Devant toute découverte d’adénome hypophysaire, il faut :

  • rechercher :
    • le délai d’installation des symptômes,
    • des symptômes et signes cliniques d’hypersécrétion, d’hyposécrétion, ou en rapport avec un syndrome tumoral (céphalées, troubles visuels et oculomoteurs),
    • les antécédents personnels et familiaux (par exemple néoplasies endocriniennes multiples ?) ;
  • prescrire systématiquement les examens complémentaires suivants :
    • bilan ophtalmologique : fond d’œil/ophtalmoscopie, acuité visuelle, champ visuel automatisé (de Humphrey), test de Hess-Lancaster et tomographie par cohérence optique (OCT),
    • IRM de l’hypophyse (et non IRM de l’encéphale). Elle permet de juger de la taille de l’adénome – microadénome (plus grand diamètre < 10 mm) ; macroadénome (plus grand diamètre ≥ 10 mm) –, mais aussi de son caractère envahissant ou pas (extension au sinus caverneux et/ou au sinus sphénoïdal et/ou au-dessus de la selle turcique),
    • bilan biologique statique (hypophysiogramme) et avis de l’endocrinologue (si besoin, tests hormonaux dynamiques) :
      • lignée lactotrope : prolactinémie,
      • lignée corticotrope : hormone adrénocorticotrope (ACTH), cortisolémie le matin à 8 heures, cortisol libre urinaire sur 24 heures,
      • lignée thyréotrope : T4, TSH (thyroid stimulating hormone) ultrasensible,
      • lignée gonadotrope : FSH (follicle stimulating hormone), LH (luteinizing hormone), œstradiol chez la femme, testostérone chez l’homme,
      • lignée somatotrope : IGF1 (insulin-like growth factor-1), qui reflète la sécrétion d’hormone de croissance (GH, growth hormone).
      •  

IV Les différentes situations rencontrées

A Adénome de découverte fortuite – Incidentalome

  • C’est une situation fréquente (10 %) du fait de la généralisation des IRM pratiquées pour tout symptôme orientant vers la sphère céphalique.

  • Il convient de faire un bilan clinique et biologique pour apprécier les conséquences de cet adénome. S’il existe une compression des voies visuelles ou une évolutivité dans le temps, une indication opératoire doit être discutée.
  • En l’absence de compression des voies visuelles, une IRM de contrôle sera réalisée 6 mois plus tard, puis tous les ans en cas de macroadénome ou de microadénome de plus de 4 mm.
  • B Adénome découvert devant une hypersécrétion (prolactine, ACTH ou GH, bien plus rarement TSH)
  • Dans le cas de l’adénome à prolactine (prolactinome), les agonistes dopaminergiques (cabergoline, quinagolide, bromocriptine) sont le plus souvent très efficaces sur le taux de prolactine, mais aussi sur le volume tumoral, même devant des signes visuels graves.
  • Dans les autres cas d’hypersécrétion (maladie de Cushing ou acromégalie), une réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) permettra de discuter d’un traitement chirurgical.

C Macroadénome non sécrétant avec répercussion visuelle
L’indication opératoire est formelle en cas de compression visuelle avec retentissement objectivable sur les examens ophtalmologiques.
Il faut veiller à ce qu’un éventuel déficit corticotrope soit substitué en période péri-opératoire, en sachant qu’un déficit méconnu mais toléré peut se décompenser lors de l’intervention chirurgicale comme lors de tout autre stress physique ou psychologique (fig. 12.4).


Une urgence chirurgicale immédiate est l’apoplexie hypophysaire, c’est-à-dire un infarctus et/ou une hémorragie de l’adénome qui mettent en surpression les éléments anatomiques de proximité :

  • antéhypophyse : insuffisance hypophysaire, hyponatrémie à corriger, introduire rapidement de l’hydrocortisone ;
  • voies visuelles (nerfs + chiasma optique) : risque de cécité ;
  • sinus caverneux : paralysie oculomotrice ;
  • parfois espaces sous-arachnoïdiens (hémorragie sous-arachnoïdienne).

    Fig. 12.4

    IRM en pondération T1 avec injection de gadolinium, coupes coronale (à gauche) et sagittale (à droite).
    Macroadénome hypophysaire avec une extension suprasellaire comprimant le chiasma optique (refoulé vers le haut, flèche rouge) et une extension dans le sinus sphénoïdal.


V Chirurgie

L’intervention chirurgicale est souvent proposée en première intention en cas d’adénome non sécrétant compressif, d’adénome somatotrope ou corticotrope.
L’abord transnasal transsphénoïdal endoscopique est le standard de la résection des adénomes hypophysaires (fig. 12.5 et 12.6).


Fig. 12.5

Principe de la chirurgie hypophysaire.
Abord transnasal transsphénoïdal endoscopique. Il est possible de proposer une chirurgie assistée par ordinateur/guidée par l’image (navigation), voire une évaluation IRM peropératoire pour contrôler la qualité de résection en temps réel.
Source : dessin de Carole Fumat.



Fig. 12.6

IRM en pondération T1 avec injection de gadolinium, coupes coronales préopératoire (à gauche) et postopératoire (à droite).
Exemple d’un macroadénome prédominant sur le lobe hypophysaire droit, entraînant un refoulement vers la gauche de la tige pituitaire. Après exérèse, il n’existe pas de résidu adénomateux visible ; la tige pituitaire est nettement visible et recentrée.


Les principales complications de la chirurgie sont la fuite de LCS (rhinorrhée cérébrospinale postopératoire), la méningite bactérienne, le diabète insipide et les troubles nasosinusiens en rapport avec la voie d’abord (rhinite croûteuse, épistaxis, synéchies).

VI Conclusion

Les adénomes de l’hypophyse font partie des tumeurs intracrâniennes. Les « incidentalomes » (c’est-à-dire adénome de découverte fortuite) sont un motif régulier de consultation. Cette pathologie doit être prise en charge en équipe pluridisciplinaire.


Points clés

  • La découverte fortuite (incidentalome) d’un adénome de l’hypophyse n’est pas rare.
  • Seule l’antéhypophyse est concernée par l’adénome.
  • Un adénome de l’hypophyse ne peut pas spontanément provoquer un diabète insipide.
  • L’IRM hypophysaire est l’examen de première intention en cas de suspicion d’adénome de l’hypophyse.
  • Il faut savoir demander les tests biologiques des différentes lignées hormonales.
  • Au final, il existe :
    • les adénomes sécrétants et les adénomes non sécrétants ;
    • les microadénomes (< 10 mm) et les macroadénomes (> 10 mm).
  • Quel que soit le type d’adénome, attention aux insuffisances corticotropes inaperçues pouvant se dévoiler au cours d’un stress physique et ou psychique (chirurgie, infection, traumatisme, etc.).
  • Trois adénomes sécrétants à bien connaître :
    • prolactinome : classique aménorrhée-galactorrhée ;
    • acromégalie : classique dysmorphie ; attention aux complications cardiovasculaires et au risque augmenté de cancer du côlon ;
    • maladie de Cushing – « c’est comme les complications de la corticothérapie au long cours » !
  • Deux situations urgentes :
    • apoplexie hypophysaire : toujours rechercher une atteinte visuelle et une insuffisance corticotrope ; traitement chirurgical en urgence le plus souvent ;
    • troubles visuels par compression du chiasma optique ; si prolactinome, traitement médical (agonistes dopaminergiques [cabergoline, quinagolide, bromocriptine]) en urgence ; sinon, discuter une chirurgie rapide pour les autres.
  • Le neurochirurgien utilise une voie transnasale transsphénoïdale ; cette chirurgie a une faible morbidité et une faible mortalité.
  • Il faudra surveiller en période postopératoire la survenue éventuelle d’un diabète insipide (syndrome polyuropolydipsique) ou d’une insuffisance antéhypophysaire.

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