#5 item 334 : Prise en charge immédiate préhospitalière et à l’arrivée à l’hôpital, évaluation des complications chez un traumatisé du rachis

Chapitre 5 Item 334

– Prise en charge immédiate préhospitalière et à l’arrivée à l’hôpital, évaluation des complications chez un traumatisé du rachis

  1. Définitions et éléments de physiopathologie
  2. Examen clinique d’un traumatisé du rachis
  3. Diagnostic positif et formes topographiques
  4. Imagerie
  5. Critères de gravité
  6. Principes de prise en charge et traitement

Situations de départ

7 Incontinence fécale.
23 Anomalie de la miction.
65 Déformation rachidienne.
71 Douleur d’un membre (supérieur ou inférieur).
72 Douleur du rachis (cervical, dorsal ou lombaire).
73 Douleur, brûlure, crampes et paresthésies.
74 Faiblesse musculaire.
97 Rétention aiguë d’urines.
121 Déficit neurologique sensitif et/ou moteur.
175 Traumatisme rachidien.
227 Découverte d’une anomalie médullaire ou vertébrale à l’examen d’imagerie médicale.
231 Demande d’un examen d’imagerie.
233 Identifier/reconnaître les différents examens d’imagerie (type/fenêtre/séquences/incidences/injection).
243 Mise en place et suivi d’un appareil d’immobilisation.
247 Prescription d’une rééducation.
250 Prescrire des antalgiques.
259 Évaluation et prise en charge de la douleur aiguë.
276 Prise en charge d’un patient en décubitus prolongé.
327 Annonce d’un diagnostic de maladie grave au patient et à sa famille.


Objectifs pédagogiques

Prise en charge immédiate préhospitalière et à l’arrivée à l’hôpital d’un traumatisé du rachis.
Évaluation des complications chez un traumatisé du rachis.


Hiérarchisation des connaissances


Rang Rubrique Intitulé Descriptif
Définition Savoir définir un traumatisé sévère Patient victime d’un traumatisme dont l’énergie est susceptible d’entraîner une lésion menaçant le pronostic vital
Prévalence, épidémiologie Connaître les causes de mortalité après un traumatisme Mortalité précoce (hémorragie et traumatisme crânien), mortalité tardive (traumatisme crânien défaillance multiviscérale)
Diagnostic positif Savoir identifier et caractériser les lésions cliniquement Caractériser les lésions céphaliques, rachidiennes, thoraciques, abdominales, pelviennes, des membres
Diagnostic positif Connaître les critères de gravité d’un traumatisé
Prise en charge Connaître les principes de prise en charge préhospitalière des lésions Hémostase, immobilisation des foyers de fracture, analgésie, lutte contre l’hypothermie, connaître l’impact négatif du temps jusqu’au geste d’hémostase
Prise en charge Connaître les principes de réanimation préhospitalière Traitement des défaillances ventilatoire (item 359), hémodynamique (item 332) et neurologique (item 334-crâne)
Prise en charge Connaître les principes de la prise en charge diagnostique à l’arrivée à l’hôpital Examen clinique, place des examens complémentaires, bilan lésionnel exhaustif
Prise en charge Connaître les principes de la prise en charge thérapeutique à l’arrivée à l’hôpital Poursuivre les manœuvres de réanimation, organiser la planification des interventions chirurgicales avec les équipes spécialisées, savoir demander un avis urologique devant toute uréthrorragie en vue du sondage urinaire
Prise en charge Connaître les principales complications du traumatisé sévère à court, moyen et long termes Infectieuses, thromboemboliques, psychiques, douleur
Définition Connaître la définition d’une brûlure et de sa profondeur Connaître les différents types de brûlure (thermique, chimique, électrique) et leur profondeur (atteinte histologique, évolution naturelle)
Définition Connaître la définition d’un syndrome d’inhalation de fumées d’incendie
Éléments physiopathologiques Comprendre le mécanisme des complications après une brûlure Inflammation, œdème, atteinte de la barrière endothéliale, contraction du volume intravasculaire, perte de la barrière cutanée, syndrome compartimental et conséquences de l’ischémie, immunodépression
Éléments physiopathologiques Comprendre la physiopathologie du syndrome d’inhalation de fumées d’incendie Toxicité liée au défaut du transporteur (HbCO) et à la toxicité mitochondriale (cyanure), agression muqueuse directe thermique et chimique, obstruction bronchique, SDRA
Diagnostic positif Savoir diagnostiquer une brûlure et la surface brûlée Règle des neufs de Wallace, paume de la main du patient = 1 %, tables de Lund et Browder chez l’enfant. Le 1er degré ne compte pas
Contenu multimédia Identifier une brûlure superficielle et une brûlure profonde Photographies de brûlure du premier degré, du deuxième degré, du troisième degré
Identifier une urgence Savoir reconnaître les signes de gravité d’une brûlure chez l’adulte et l’enfant Identifier une brûlure profonde (2e degré profond, 3e degré), circulaire, cou, face, orifices, surface > 10 %), reconnaître une brûlure des voies aériennes
Contenu multimédia Identifier une brûlure des voies aériennes Photographies de brûlures des vibrisses, suies oro- et nasopharyngées
Prise en charge Connaître les principes des soins locaux de brûlure Refroidissement de la zone brûlée, prévention de l’hypothermie, pansements, analgésie, escarrotomie
Prise en charge Connaître les principes de la prise en charge d’un brûlé (hors soins locaux) Remplissage vasculaire, protection des voies aériennes, avis spécialisé
Prise en charge Connaître les principes de prise en charge d’un syndrome d’inhalation de fumées d’incendie Oxygénothérapie, hydroxocobalamine, ventilation mécanique protectrice, fibroscopie bronchique
Éléments physiopathologiques Connaître la physiopathologie de l’atteinte des organes intrathoraciques après traumatisme Décrire les mécanismes d’atteinte des organes intrathoraciques et l’incidence des atteintes
Diagnostic positif Savoir suspecter un traumatisme thoracique Identifier les signes évocateurs : anamnèse, inspection (signe de la ceinture, contusion, plaie)
Examens complémentaires Savoir demander les examens complémentaires permettant le diagnostic de traumatisme thoracique Échographie pleuropulmonaire, tomodensitométrie thoraco-abdominale avec injection de produit de contraste, radiographie de thorax, électrocardiogramme
Examens complémentaires Savoir reconnaître un hémothorax et un pneumothorax sur une radiographie
Contenu multimédia Radiographies d’hémothorax et de pneumothorax
Identifier une urgence Savoir identifier les situations indiquant le recours à une thérapeutique de sauvetage Pneumothorax suffoquant, syndrome hémorragique, détresse respiratoire, choc
Prise en charge Connaître les principes de la prise en charge d’un traumatisme thoracique Analgésie multimodale, drainage thoracique, assistance ventilatoire non invasive, exploration chirurgicale des traumatismes pénétrants, avis chirurgical spécialisé pour les cas complexes (rupture de l’isthme aortique, volet thoracique, lésions diaphragmatiques et cardiaques)
Éléments physiopathologiques Connaître la physiopathologie de l’atteinte des organes abdominaux (intra- et rétropéritonéaux) après traumatisme Décrire les mécanismes d’atteinte des organes intra- et rétropéritonéaux et l’incidence des atteintes
Diagnostic positif Savoir suspecter un traumatisme abdominal Identifier les signes évocateurs : anamnèse, inspection (signe de la ceinture, contusion, plaie)
Examens complémentaires Savoir demander les examens d’imagerie permettant le diagnostic de traumatisme abdominal Échographie abdominale, tomodensitométrie abdominale avec injection de produit de contraste
Identifier une urgence Savoir identifier le recours à une thérapeutique d’hémostase en urgence chez l’adulte et l’enfant Association d’une instabilité hémodynamique (PAS < 90 mmHg ou recours aux vasopresseurs ou transfusion préhospitalière ou réponse absente ou transitoire à l’expansion volémique) et d’un épanchement intrapéritonéal à la FAST
Prise en charge Connaître les principes de la prise en charge d’un traumatisme abdominal chez l’adulte et l’enfant Damage control chirurgical (hémostase, coprostase, lavage, fermeture incomplète), embolisation radiologique, réinterventions itératives, surveillance de la pression intra-abdominale
Éléments physiopathologiques Mécanismes lésionnels
Éléments physiopathologiques Classification des fractures ouvertes Cauchoix et Gustillo
Diagnostic positif Savoir suspecter à l’anamnèse et à l’examen clinique une lésion osseuse
Identifier une urgence Savoir suspecter des complications vasculaires et neurologiques
Examens complémentaires Connaître les indications et savoir demander un examen d’imagerie devant un traumatisé du membre et/ou du bassin Si suspicion de fracture de membre, radiographie standard de face et de profil englobant les articulations sus- et sous-jacentes
Examens complémentaires Connaître la sémiologie radiologique de base des fractures diaphysaires simples des os longs Fracture = trait interrompant la ligne corticale
Contenu multimédia Identifier une fracture diaphysaire des os longs Exemples de fractures diaphysaires simples des os longs sur des radiographies
Examens complémentaires Savoir rechercher des complications précoces Vasculaires (artère poplitée notamment) : Doppler, angioscanner ; place respective de la kaliémie, de la créatininémie, des CPK et de la myoglobine
Prise en charge Connaître des principes de prise en charge initiale d’une fracture Alignement, antalgie, antibioprophylaxie, prévention du tétanos, avis spécialisé
Prise en charge Connaître les principes de prise en charge des fractures ouvertes et fermées Fractures fermées : orthopédiques ou chirurgicales ; mesures associées : analgésie multimodale, prévention de la maladie thromboembolique veineuse, rééducation, surveillance clinique (patient sous plâtre) et radiologique. Fractures ouvertes : traitement local (détersion, parage), suture sans tension, ostéosynthèse dictée par la classification de Gustillo, antibiothérapie
Prise en charge Connaître les principes de prise en charge des principales complications des fractures Aponévrotomie, hydratation, anticoagulation
Définition Fracture du rachis, atteinte médullaire associée
Éléments physiopathologiques Connaître les conséquences hémodynamiques et ventilatoires de l’atteinte médullaire selon le niveau lésionnel
Diagnostic positif Circonstances, signes fonctionnels et physiques, savoir effectuer un examen neurologique complet et renseigner l’échelle ASIA Échelle ASIA n’est pas à apprendre mais à savoir utiliser
Identifier une urgence Connaître les symptômes devant faire suspecter une lésion médullaire Syndrome lésionnel, syndrome sous-lésionnel
Prise en charge Connaître les indications et les modalités des principes d’immobilisation
Examens complémentaires Connaître les indications d’imagerie devant un traumatisé du rachis ou vertébromédullaire Places respectives de la tomodensitométrie et de l’IRM et précautions à prendre
Prise en charge Connaître les principes de prise en charge des traumatismes du rachis Remplissage vasculaire, vasopresseurs, indication de ventilation mécanique, chirurgie, non-indication de la corticothérapie
Définition Définition d’un traumatisé crânien léger, modéré et grave En fonction du score de Glasgow
Éléments physiopathologiques Connaître les principes physiopathologiques des lésions cérébrales traumatiques Débit sanguin cérébral, pression de perfusion cérébrale, HTIC, lésions primaires et secondaires
Diagnostic positif Savoir suspecter et diagnostiquer un traumatisme crânien Clinique traumatologique, évaluation de l’état de conscience, traumatismes crâniens mineur/modéré/grave
Identifier une urgence Identifier le traumatisé crânien grave Savoir calculer le score de Glasgow, dépister des signes de localisation : motricité oculaire intrinsèque et extrinsèque, réponse motrice à la stimulation douloureuse
Identifier une urgence Identifier le traumatisé crânien nécessitant une évaluation spécialisée Notion de perte de connaissance, traitement associé, terrain, circonstances
Examens complémentaires Savoir demander à bon escient l’examen d’imagerie pertinent devant un traumatisme crânien à la phase aiguë Indications de la tomodensitométrie cérébrale
Contenu multimédia Exemple TDM d’hématome extradural, sous-dural et contusions cérébrales
Prise en charge Connaître les principes de prise en charge des traumatisés crâniens Symptomatique, ACSOS, neurochirurgie

I Définitions et éléments de physiopathologie

A Segment mobile rachidien


Le segment mobile rachidien (SMR) correspond à l’ensemble des éléments discoligamentaires unissant deux vertèbres entre elles (fig. 5.1). Il comprend, d’avant en arrière :

  • le ligament longitudinal antérieur ;
  • le disque intervertébral ;
  • le ligament longitudinal postérieur ;
  • les capsules articulaires ;
  • le ligament jaune ;
  • les ligaments inter- et supra-épineux.

Fig. 5.1

Le segment mobile rachidien, illustré au niveau du rachis cervical.

Ligament longitudinal antérieur (LLA) ; disque intervertébral (DIV) ; ligament longitudinal postérieur (LLP) ; capsules articulaires (CA) ; ligament jaune (LJ) ; ligament inter-épineux (LIE) ; ligament supra-épineux (LSE).

Source : dessin de Carole Fumat.


B Notions de stabilité/instabilité


La stabilité du rachis est sa capacité à maintenir, lors d’une contrainte physiologique, des rapports anatomiques normaux entre les vertèbres pour :

  • éviter une lésion des structures nerveuses qu’il contient (moelle épinière et racines spinales) ;
  • prévenir une déformation et des troubles de la statique, générateurs de douleurs invalidantes.

Au décours d’un traumatisme, lorsque les moyens d’union entre les vertèbres (SMR) sont rompus, ou lorsque l’atteinte osseuse est responsable d’une déformation traumatique significative, la fracture est jugée instable. L’objectif thérapeutique va être la restauration de la stabilité et la préservation des fonctions neurologiques.

C Instabilité discoligamentaire et osseuse


Les lésions rachidiennes traumatiques peuvent être classées en trois groupes :

  • lésions discoligamentaires pures : elles touchent le SMR. Elles sont représentées par les entorses et les luxations intervertébrales, plus fréquentes au niveau cervical ;
  • lésions osseuses pures : elles touchent surtout le corps vertébral. Elles sont représentées par les fractures tassements et les fractures comminutives, également dénommées fractures éclatements (« burst » fracture des Anglo-Saxons), surtout observées au niveau de la jonction thoracolombaire ;
  • lésions mixtes : elles touchent à la fois le corps vertébral et les moyens d’union discoligamentaires.
    La fréquence de ces lésions varie en fonction de l’étage rachidien considéré (tableau 5.1).

Tableau 5.1
Types et fréquences des lésions observées en fonction de l’étage rachidien.

Étage Discoligamentaires Osseuses Mixtes
Cervical 76 % 6 % 18 % (tear drop)
Thoracolombaire 6 % 79 % 15 % (chance)

Le type de lésion détermine la prise en charge thérapeutique, puisque, si l’on peut espérer une consolidation pour les lésions osseuses pures, les chances de cicatrisation d’une instabilité discoligamentaire sont minimes.


En cas d’atteinte osseuse du mur vertébral postérieur ou de luxation, les dimensions du canal rachidien peuvent être diminuées, avec des contraintes mécaniques directes sur la moelle épinière (traumatismes entre C1 et L1-L2) ou les racines spinales de la queue de cheval (traumatismes en dessous de L1-L2) (fig. 5.2 et 5.3).


Fig. 5.2

Scanner en coupe sagittale.
Fracture éclatement/comminutive de la vertèbre lombaire L1, avec recul du mur postérieur.



Fig. 5.3

Scanner en coupe sagittale.
A. Luxation cervicale C6-C7. B. Fracture-luxation thoracique T4-T5. Dans les deux cas, perte de l’alignement sagittal du rachis et effet de « baïonnette » sur le canal vertébral.


D Atteinte médullaire

Tout traumatisme du rachis doit faire rechercher une atteinte médullaire et des racines spinales de la queue de cheval, sur la base d’un examen neurologique minutieux.

L’atteinte médullaire post-traumatique correspond à la somme de deux lésions différentes : la lésion primaire, d’origine mécanique, qui a lieu au moment du traumatisme ; et la lésion secondaire surajoutée, d’origine vasculaire et biochimique, parfois appelée syndrome sus-lésionnel car elle peut s’étendre aux myélomères immédiatement sus-jacents à la zone comprimée.

La lésion primaire, inaccessible au traitement, correspond rarement à une section complète, mais plutôt à des lésions d’écrasement, d’étirement ou de cisaillement.

Les lésions secondaires ou AMSOS (agressions médullaires secondaires d’origine systémique), sources d’une aggravation du déficit neurologique initial, vont apparaître durant les heures et les jours qui suivent le traumatisme et vont avoir pour conséquence l’ischémie et la nécrose médullaire. Elles sont liées soit à des facteurs systémiques (hypoxie, hypotension artérielle, anémie, etc.), soit à des facteurs locaux (œdème, microhémorragies, altérations biochimiques avec libération de radicaux libres). L’œdème qui se développe initialement à l’endroit de la lésion va s’étendre progressivement aux segments adjacents. Seules ces lésions secondaires sont accessibles à la prise en charge médicale par le maintien d’une bonne pression artérielle (PA) et oxygénation sanguine (remplissage vasculaire, vasopresseurs, ventilation mécanique si nécessaire).

E Tétraplégie/paraplégie complète/incomplète

Les atteintes rachidiennes situées au-dessus de T1 correspondent à des tétraplégies/tétraparésies. En dessous de T1, on parle de paraplégies/paraparésies.

Le niveau de l’atteinte médullaire est désigné par le dernier myélomère fonctionnel. Par exemple, une tétraplégie/parésie de niveau C6 signifie que la flexion du coude est normale, cotée à 5/5 sur l’échelle MRC (Medical Council Research).

Une tétra-/paraplégie est dite complète lorsque tous les modes examinés (motricité volontaire, sensibilités tactile, profonde et thermo-algésique, fonctions sphinctériennes vésicale et anale) sont totalement déficitaires au-dessous du niveau lésé (elle correspond alors à un grade A de la classification de Frankel).


Le caractère complet ou non de la tétra-/paraplégie est capital à déterminer car il conditionne le pronostic neurologique de récupération d’une part et le degré d’urgence de la chirurgie d’autre part.

F Choc spinal

En cas de traumatisme médullaire, on observe initialement (pendant quelques jours) un tableau de paralysie flasque sous-lésionnelle avec abolition des réflexes ostéotendineux (ROT) : c’est le choc spinal (hypotonie et aréflexie). Il prend fin avec l’apparition de la phase d’automatisme médullaire, où plusieurs arcs réflexes autonomes récupèrent (libération des ROT et réapparition de réflexes archaïques) : installation d’une tétra-/paraplégie avec hypertonie spastique, syndrome pyramidal (ROT vifs, polycinétiques, diffusés ; signe de Hoffman ; signe de Babinski ; clonus de la rotule ; trépidation épileptoïde de la cheville).

La présence à la phase initiale d’un priapisme, d’une béance anale et la disparition du réflexe bulbocaverneux est un élément de mauvais pronostic.

G Conséquences hémodynamiques et ventilatoires de l’atteinte médullaire en fonction du niveau lésionnel

  • En cas d’atteinte médullaire haute (au-dessus de T6), on observe une chute de la PA systémique secondaire à la vasoplégie sous-lésionnelle (perte de la régulation sympathique) ainsi qu’une bradycardie parfois majeure (surtout en cas d’atteinte cervicale). On parle de choc neurogénique. On constate également une diminution des possibilités d’adaptation aux variations volémiques (hypotension artérielle orthostatique).
  • Le nerf phrénique qui commande le diaphragme provient des racines spinales C3 et C4. Les muscles intercostaux sont innervés par les racines spinales thoraciques correspondantes, étage par étage, et les muscles abdominaux par les racines spinales T6 à L1. Le diaphragme constitue le muscle respiratoire principal, particulièrement pour son activité inspiratoire (90 % du travail inspiratoire). Les muscles intercostaux et abdominaux ont un rôle respiratoire accessoire. En cas d’atteinte médullaire au-dessus de C4, il existe une paralysie du diaphragme responsable d’une hypoventilation majeure. Au-dessous de C4, la motricité du diaphragme est préservée, mais l’atteinte des muscles respiratoires accessoires diminue l’efficacité de la ventilation et de la toux, favorisant l’encombrement bronchique et les pneumopathies infectieuses.

II Examen clinique d’un traumatisé du rachis


L’interrogatoire précise :

  • le terrain :
    • âge,
    • antécédents médicaux et chirurgicaux,
    • prise de médicaments (en particuliers anticoagulants et antiagrégants) ;
  • les circonstances de l’accident :
    • heure précise de l’accident,
    • énergie cinétique de l’accident (AVP, chute de hauteur élevée),
    • mécanisme lésionnel (hyperflexion, hyperextension, compression, etc.) ;
  • les signes fonctionnels :
    • douleurs rachidiennes,
    • paresthésies/douleurs de topographie radiculaire.
      L’examen clinique d’un traumatisé du rachis comprend de façon systématique quatre parties.
  • Examen rachidien :
    • inspection à la recherche d’une déviation de la tête, déformation rachidienne, ecchymose sous-cutanée ;
    • palpation des épineuses et des masses musculaires, à la recherche d’un segment rachidien douloureux, d’une contracture musculaire.
  • Examen neurologique daté (avec heure précise), complet et consigné par écrit évaluant :
    • la motricité des quatre membres : cotation de la force musculaire groupe par groupe, entre 0/5 et 5/5 selon l’échelle MRC (tableau 5.2) ;
    • le score ASIA (Americal Spinal Injury Association) moteur (/100) et le score de Frankel (tableaux 5.3 et 5.4) ;
    • la motricité périnéale : recherche d’une contraction anale volontaire lors du toucher rectal (TR) ;
    • la sensibilité des membres, du tronc et du périnée : recherche d’un niveau lésionnel (hypo-/anesthésie en dessous d’un métamère précis) ; cotation entre 0/2 et 2/2 (0 = sensibilité absente ; 1 = diminuée ; 2 = normale) → établir un score ASIA sensitif (/112) (fig. 5.4) ;

Fig. 5.4

Score ASIA sensitif.
Source : American Spinal Injury Association : International Standards for Neurological Classification of Spinal Cord Injury, revised 2019 ; Richmond, VA.


    • les ROT : présents et normaux ? absents ? syndrome pyramidal ? ;
    • les réflexes bulbocaverneux ou clitorido-anal ;
    • la présence d’un priapisme (évoquant une atteinte médullaire de mauvais pronostic).
  • Un examen général recherchant des traumatismes associés :
    • score de Glasgow : chez un patient comateux, l’examen clinique est difficile. Il faut néanmoins évaluer/rechercher la réponse motrice à la douleur des quatre membres, les ROT, un syndrome pyramidal et le tonus anal ;
    • tout patient comateux dans un contexte traumatique doit être considéré comme un traumatisé rachidien potentiel jusqu’à preuve du contraire et doit donc bénéficier d’une exploration radiologique rachidienne ;
    • examen du thorax : auscultation, palpation des côtes et du sternum ;
    • examen de l’abdomen : recherche d’une défense, d’une contracture ;
    • palpation du bassin et des membres.
  • La prise des constantes : pouls, PA, fréquence respiratoire.

Tableau 5.2
Échelle MRC ( Medical Council Research ) de cotation de la force motrice.

0/5 Aucune contraction
1/5 Contraction visible et/ou palpable mais sans déplacement
2/5 Mouvements actifs possibles sans pesanteur
3/5 Mouvement actif possible contre pesanteur
4/5 Mouvement actif possible contre résistance
5/5 Mouvement actif possible contre forte résistance (force musculaire normale)

Source : Medical Council Research, UK Research and Innovation.Tableau 5.3

Score ASIA ( American Spinal Injury Association ) moteur.

Innervation radiculaire prédominante Mouvement testé Côté droit⁎ Côté gauche⁎
Membres supérieurs C5 Flexion du coude
C6 Extension du poignet
C7 Extension du coude
C8 Flexion de la 3e phalange
T1 Abduction du 5e doigt
Membres inférieurs L2 Flexion de la hanche
L3 Extension du genou
L4 Flexion dorsale de la cheville
L5 Extension dorsale du gros orteil
S1 Flexion plantaire de la cheville
Sphincters S2, S3, S4 Contraction anale volontaire Oui/Non
Score moteur /50 /50

⁎ Selon l’échelle MRC (voir tableau 5.2).
Source : American Spinal Injury Association : International Standards for Neurological Classification of Spinal Cord Injury, revised 2019 ; Richmond, VA.Tableau 5.4

Score de Frankel.

Groupe Description clinique
A Atteinte complète : aucune préservation motrice ou sensitive au-dessous du niveau lésé
B Atteinte motrice complète, mais préservation (même partielle) d’une fonction sensitive
C Atteinte motrice incomplète, avec une force musculaire résiduelle non utilisable du point de vue fonctionnel
D Atteinte motrice modérée : marche possible avec ou sans aide
E Absence totale de déficit neurologique (moteur, sensitif ou sphinctérien)

III Diagnostic positif et formes topographiques

A Diagnostic positif d’atteinte vertébromédullaire

Au terme de l’examen clinique, il faut savoir distinguer un traumatisme rachidien sans déficit neurologique d’un traumatisme vertébromédullaire.
Le tableau clinique caractéristique d’une lésion vertébromédullaire regroupe un syndrome rachidien, un syndrome lésionnel et un syndrome sous-lésionnel.

  • Le syndrome rachidien traduit l’agression mécanique du rachis : douleur spontanée et/ou provoquée à la palpation des épineuses, raideur, éventuellement déformation.
  • Le syndrome lésionnel traduit l’atteinte de la racine spinale correspondant au niveau de compression. C’est donc une atteinte neurogène périphérique, avec des signes/symptômes recouvrant un territoire précis (systématisation radiculaire) qui coïncide avec un dermatome/myotome : douleurs, paresthésies, déficit sensitif, déficit moteur avec abolition du ROT tributaires de la racine spinale lésée. Le syndrome lésionnel a une valeur localisatrice +++.
  • Le syndrome sous-lésionnel traduit l’atteinte des voies longues (voies de substance blanche) de la moelle épinière (c’est-à-dire voies corticospinale, lemniscale, spinothalamique, végétatives) en dessous du niveau de compression :
    • déficit moteur tétra- ou paraparétique/paraplégique, tout d’abord flasque (phase aiguë de choc spinal) puis spastique ;
    • hypo-/anesthésie polymodale avec niveau sensitif net ;
    • déficits génitosphinctériens (rétention urinaire, béance anale, priapisme).

B Formes topographiques

1 En hauteur

  • Atteinte médullaire cervicale haute (C1 à C4) : tétraparésie/tétraplégie avec trouble ventilatoire par paralysie du diaphragme.
  • Atteinte médullaire cervicale basse : syndrome lésionnel = névralgie brachiale ; syndrome sous-lésionnel = tétraparésie/tétraplégie ; signe de Hoffman.
  • Atteinte médullaire thoracique : syndrome lésionnel = névralgie intercostale, abolition du réflexe cutané abdominal ; syndrome sous-lésionnel = paraparésie/tétraplégie.
  • Atteinte du cône médullaire terminal (L1-L2) : syndrome lésionnel = névralgie génitofémorale (L1), abolition du réflexe crémastérien et déficit moteur proximal (psoas) flasque (périphérique) ; syndrome sous-lésionnel = déficit moteur distal pyramidal (central) ; vessie neurologique périphérique.
  • Atteinte des racines spinales de la queue de cheval (L2 à S5) : syndrome neurogène périphérique avec déficits sensitifs et/ou moteurs polyradiculaires, abolition des ROT, atteinte génitosphinctérienne. Le pronostic de récupération est meilleur que celui des lésions médullaires.

2 En largeur
La moelle épinière comprend une organisation anatomique/fonctionnelle transversale, où les voies longues de substance blanche sont réparties dans leurs cordons respectifs. Ainsi, certaines compressions « focales » (par exemple, unilatérales/latéralisées) pourront se manifester distinctement d’une compression plus « globale » :

  • syndrome d’hémisection médullaire (ou syndrome de Brown-Séquard) :
    • il correspond à une compression médullaire unilatérale,
    • clinique : syndrome pyramidal et cordonal postérieur (trouble du tact épicritique et de la proprioception consciente) homolatéraux à la compression et anesthésie thermo-algésique controlatérale ;
  • syndrome centromédullaire (ou syndrome de Schneider) :
    • rencontré classiquement en cas de décompensation aiguë post-traumatique d’un canal cervical étroit,
    • clinique : tétraparésie à nette prédominance brachiale ;
  • syndrome de contusion antérieure :
    • il est le plus souvent lié à l’expulsion d’un fragment de disque dans le canal, entraînant une contusion des cordons antérolatéraux,
    • clinique : atteinte motrice sous-lésionnelle complète et conservation de la sensibilité profonde (préservation des cordons postérieurs) ;
  • syndrome de contusion postérieure :
    • il est rare et résulte en général d’une compression directe des cordons postérieurs de la moelle épinière par des fragments de lame,
    • clinique : atteinte lemniscale prédominante, avec douleurs électriques fulgurantes (signe de Lhermitte) et troubles de l’équilibre par ataxie proprioceptive.

IV Imagerie

Il faut particulièrement veiller, lors de la réalisation de ce bilan d’imagerie, à l’immobilisation parfaite du patient afin de ne pas générer de déplacement secondaire d’une lésion traumatique instable.
Par ailleurs, il faut se méfier des zones charnières, surtout la jonction cervicothoracique, souvent mal explorée avec les radiographies standards en raison de la superposition des épaules.

A Radiographies standards

Leur utilité persiste en cas d’impossibilité d’accès au scanner ou à l’IRM.

  • Rachis cervical : incidences de face + profil, en dégageant la jonction cervicothoracique ; cliché de face bouche ouverte pour dégager la dent de l’axis (odontoïde).
  • Rachis thoracolombaire : incidences de face + profil.
  • Bassin de face et sacrum de profil.

Des clichés dynamiques (essentiellement pour le rachis cervical) peuvent venir compléter les clichés statiques :

  • ils sont indiqués uniquement lorsqu’on recherche une instabilité discoligamentaire (fig. 5.5) ;

Fig. 5.5

A, B. Clichés dynamiques du rachis cervical ne montrant pas d’anomalie en flexion et extension : respect de l’alignement des vertèbres et recouvrement des apophyses articulaires. C. Autre patient, avec un cliché dynamique en flexion révélant cette fois-ci une décoaptation des apophyses articulaires (cercle bleu) témoin d’une instabilité.


  • ils peuvent être réalisés selon les équipes en urgence ou à distance du traumatisme (8 à 10 jours) du fait de la contracture musculaire initiale qui peut gêner leur réalisation voire masquer une instabilité ;
  • ils comprennent des clichés en hyperflexion et en hyperextension ;
  • les mouvements sont réalisés par le blessé lui-même (mouvements actifs).

B Scanner

C’est l’examen de référence, indiqué en première intention chez un polytraumatisé, un traumatisé du rachis ou un traumatisé vertébromédullaire.
D’accès facile et rapide, le scanner est très performant pour détecter les lésions traumatiques (fractures ; luxations).
Le bilan comprend une acquisition en fenêtres osseuse et parenchymateuse (tissus mous), avec reconstructions multiplanaires dans les trois plans. En cas de lésion traumatique détectée sur l’acquisition scanner corps entier, il faut compléter le bilan par une acquisition en coupes fines centrée sur la lésion. Le scanner confirme le diagnostic et permet l’analyse précise des lésions traumatiques élémentaires (tableau 5.5) :

  • le niveau de la (des) fracture(s) ;
  • le(s) trait(s) de fracture dont il faut préciser le siège (corps vertébral, pédicule, apophyse articulaire, lame, épineuse, apophyse transverse) et le type (simple trait, tassement, comminution/éclatement) ;
  • un défaut d’alignement sagittal des vertèbres sans atteinte osseuse correspond à un signe indirect de rupture discoligamentaire : par exemple un écart interépineux augmenté, une décoaptation (défaut de recouvrement) des apophyses articulaires (fig. 5.5 et 5.6) ;

Fig. 5.6

Scanner du rachis cervical (coupe sagittale).
Luxation des apophyses articulaires C6-C7 (cercle bleu), sans fracture associée (atteinte discoligamentaire).


  • une sténose canalaire par recul du mur postérieur et/ou la présence d’un fragment discal intracanalaire (voir fig. 5.2 et 5.3).

Tableau 5.5

Éléments radiologiques à analyser sur les radiographies standards/le scanner devant la suspicion d’une lésion traumatique du rachis.

Signes évocateurs d’une lésion traumatique
Clichés de profil/coupes sagittales Défaut d’alignement sagittal (antélisthésis ou luxation)
Déformation en cyphose
Trait de fracture
Tassement corporéal (perte de hauteur par rapport aux vertèbres sus-/sous-jacentes)
Recul du mur postérieur
Ouverture discale anormale (perte de parallélisme)
Écart interépineux anormal
Décoaptation des apophyses articulaires
Cliché de face/coupes coronales Déformation dans le plan frontal
Trait de fracture
Tassement corporéal (perte de hauteur par rapport aux vertèbres sus-/sous-jacentes)

Le scanner permet généralement de déterminer le caractère stable ou instable de la lésion.
Ces éléments de sémiologie radiologique permettent de déterminer le type de fracture selon des classifications bien établies, qui vont guider la prise en charge thérapeutique (chirurgie versus traitement conservateur).
Par exemple, la classification AOSpine (fig. 5.7) est une classification alpha-numérique avec un gradient croissant d’instabilité (du type A au type C et du sous-groupe 1 au sous-groupe 4). Les lésions A3, A4, B et C sont considérées comme instables et le plus souvent traitées chirurgicalement.

  • Le type A (fig. 5.8) regroupe les lésions par compression (atteinte essentiellement osseuse intéressant le corps vertébral). Ces lésions représentent 66 % des lésions traumatiques du rachis thoracique et lombaire, et prédominent au niveau de la jonction thoracolombaire (T11 à L2). Elles sont responsables de 13 % des déficits neurologiques observés. On distingue les fractures :
    • A0 : fracture mineure, stable (apophyse transverse ou épineuse) ;
    • A1 : fracture-tassement du corps vertébral, limitée à la partie antérieure du plateau vertébral (fracture marginale antérieure) ; le risque est surtout celui d’une cyphose séquellaire post-traumatique ;
    • A2 : fracture-séparation du corps vertébral avec trait de fracture coronal, parfois sagittal ; le risque est surtout celui d’une pseudarthrose avec augmentation de l’écart interfragmentaire et déformation progressive du rachis ;
    • A3 : fracture comminutive (fracture éclatement) incomplète (atteinte d’un seul plateau) ; elle est associée à un risque de compression des structures neurologiques du fait de la sténose canalaire induite par le recul du mur vertébral postérieur ;
    • A4 : fracture comminutive complète (étendue aux deux plateaux vertébraux).
  • Le type B regroupe les lésions par distraction. Il s’agit le plus souvent d’une distraction postérieure (mécanisme en hyperflexion), ou plus rarement antérieure (hyperextension). Ces lésions représentent 14 % des lésions traumatiques du rachis thoracolombaire et sont responsables de 32 % des déficits neurologiques observés. Il s’agit de lésions instables.
  • Le type C (fig. 5.9) regroupe les lésions par mécanisme de rotation. Ces lésions représentent 20 % des lésions traumatiques du rachis thoracolombaire et sont responsables de 55 % des déficits neurologiques observés. La sévérité des déplacements avec perte de l’intégrité du canal rachidien explique la fréquence des tableaux neurologiques déficitaires. Il s’agit de lésions très instables et volontiers observées dans un contexte de polytraumatisme.

    Fig. 5.7

    Classification AOSpine.
    Source : dessin de Carole Fumat.



    Fig. 5.9

    Scanner du rachis thoracolombaire : exemple d’une fracture de type C (fracture-luxation T12-L1 avec composante rotatoire).



    Fig. 5.8

    Scanner du rachis thoracolombaire (coupe sagittale) : exemples de fractures de type A.
    (Gauche) Type A1, avec tassement du plateau supérieur (flèches) et respect du mur vertébral postérieur. (Droite) Type A4, avec comminution étendue aux deux plateaux et recul du mur vertébral postérieur.


    C IRM


L’IRM possède une meilleure résolution que le scanner pour l’évaluation des tissus mous (disques, ligaments et capsules articulaires) et de la moelle épinière (tableau 5.6). Par conséquent, elle est prescrite devant :

  • tout traumatisme rachidien avec des déficits neurologiques non expliqués par le scanner : par exemple recherche d’un hématome épidural compressif, d’un fragment discal exclu (fréquent à l’étage cervical), d’une contusion de la moelle épinière (augmentation du calibre de la moelle épinière associée à un hypersignal T2) (fig. 5.10) ;

    Fig. 5.10

    IRM du rachis cervical (coupe sagittale).
    Contusion de la moelle épinière cervicale, visible sous la forme d’un hypersignal T2 intramédullaire.


    toute suspicion d’atteinte discoligamentaire (fig. 5.11).


    Fig. 5.11

    IRM du rachis cervical (coupe sagittale).
    Lésions discoligamentaires incluant le disque C6-C7 (hypersignal) et une rupture des ligaments longitudinaux antérieur et postérieur.


    Tableau 5.6

Place et intérêts respectifs du scanner et de l’IRM chez un traumatisé du rachis.

Scanner IRM
Modalités Coupes fines millimétriques
Fenêtres osseuse + parenchymateuse
Reconstructions multiplanaires (MPR)
Séquences classiques T1 + T2
Séquences STIR et/ou FAT SAT (saturation de la graisse) pour mieux révéler l’œdème
Coupes sagittales + axiales
Lésions détectées
Trait de fracture +++ +
Œdème de l’os spongieux et/ou du SMR +++
Évaluation de la sténose canalaire (recul du mur vertébral postérieur) +++ +++
Moelle épinière +++
Ligaments Signes indirects
(perte d’alignement)
++
Disque Signes indirects
(perte de parallélisme)
++
Muscles + +++
Hématome épidural + +++

V Critères de gravité

  • Les critères de gravité d’une lésion rachidienne traumatique sont représentés par :
  • la présence d’un déficit neurologique (donnée clinique) ;
  • la présence d’une instabilité (donnée radiologique) ;
  • la présence d’une déformation rachidienne (donnée radiologique).
    C’est donc le bilan clinique et radiologique qui permet d’établir la gravité d’une lésion rachidienne traumatique.

VI Principes de prise en charge et traitement

A Immobilisation
Quelle que soit la situation du traumatisé (traumatisme isolé du rachis ou contexte de polytraumatisme), l’objectif principal va être l’immobilisation du rachis pour prévenir, en présence d’une lésion instable, tout déplacement secondaire menaçant les structures neurologiques (moelle épinière et racines spinales de la queue de cheval).
L’absence de déficit neurologique initial n’exclut pas l’existence d’une lésion traumatique instable du rachis.
Sur les lieux de l’accident et pendant toute la durée du transport, le ramassage du traumatisé obéit aux règles suivantes :

  • mise en place systématique d’une minerve rigide ;
  • maintien en rectitude de l’axe tête-cou-tronc ;
  • mobilisation en bloc (par quatre personnes au minimum) ;
  • installation du patient dans un matelas coquille.
    B Mesures générales
  • Prévention des AMSOS. Il est impératif de maintenir une bonne PA et oxygénation, et de contrôler la glycémie :
  • remplissage vasculaire ;
  • médicaments vasopresseurs si le remplissage vasculaire est insuffisant ;
  • ventilation mécanique si trouble de la conscience ou détresse respiratoire (ex. : niveau lésionnel > C4).
  • Antalgiques adaptés au niveau de douleur.
  • Il n’y a aucune indication pour les corticoïdes dans les traumatismes vertébromédullaires : ils n’ont pas fait la preuve d’une action protectrice sur les lésions secondaires et sont potentiellement iatrogènes (majoration du risque infectieux et thromboembolique).
  • Sondage vésical si troubles sphinctériens.
  • C Traitement de la fracture
    1 Traitement fonctionnel
    Il est indiqué en cas de fracture stable, sans risque de mauvaise évolution vers une déformation supplémentaire (par exemple, fracture d’apophyse transverse ou d’épineuse). Il associe repos, antalgiques et éventuellement myorelaxants. Une fois la phase hyperalgique passée, on prescrit de la kinésithérapie pour rééducation musculaire.
    2 Traitement orthopédique
    Il implique l’immobilisation du segment rachidien lésé par une contention rigide. La nature et la durée de la contention sont fonction du type et du siège de la lésion traumatique (fig. 5.12 et 5.13). Le traitement orthopédique est indiqué dans le cadre de lésion osseuse sans danger neurologique et comportant un faible risque de déformation supplémentaire.

    Fig. 5.12

    Exemples de corsets prescrits pour les traumatismes du rachis thoracolombaire.
    Source : figure reproduite avec l’aimable autorisation de Frédéric Barral, société Lecante.



    Fig. 5.13

    Minerve rigide pour les fractures du rachis cervical inférieur C3-C7 (à gauche) et pour les fractures du rachis cervical supérieur C0-C2 (à droite).
    Source : figure reproduite avec l’aimable autorisation de Frédéric Barral pour la société Lecante.


    3 Chirurgie

Indications

  • En présence de déficits neurologiques.
  • En cas de lésion instable (atteinte discoligamentaire ou du mur vertébral postérieur), comportant un risque neurologique en cas de déplacement secondaire.
  • En cas de déformation importante (notamment cyphose supérieure à 15°).
    Objectifs
  • La décompression des structures neurologiques (moelle épinière, racines spinales de la queue de cheval).
  • La réduction (d’une luxation, d’une déformation en cyphose).
  • La stabilisation par ostéosynthèse (vis, crochets, tiges) et greffe osseuse (autologue ou synthétique) (vidéos 15
    et 16).
    Techniques et voies d’abord
  • Elles sont fonction du type de fracture.
  • Au niveau du rachis cervical : discectomie ± corporectomie + plaque vissée antérieure (fig. 5.14).

    Fig. 5.14

    Radiographies standards du rachis cervical de profil.
    À gauche : luxation C5-C6. À droite, après réduction (manœuvre externe) et abord antérieur du rachis cervical : discectomie C5-C6 puis arthrodèse intersomatique au moyen d’un greffon osseux autologue (crête iliaque) et d’une plaque vissée antérieure.


  • Au niveau du rachis thoracolombaire : ostéosynthèse par voie postérieure (vis pédiculaires reliées entre-elles par des tiges) (fig. 5.15), ou parfois cimentoplastie par voie percutanée (fig. 5.16).

    Fig. 5.15

    Scanner du rachis thoracolombaire.
    Fracture éclatement de L1 (type A4). Le traitement chirurgical a consisté à décomprimer les structures neurologiques par voie postérieure (c’est-à-dire laminectomie), à réduire la déformation en cyphose et à stabiliser la fracture avec une ostéosynthèse (crochets lamaires + vis pédiculaires T11-L2) et une greffe osseuse.



    Fig. 5.16

    Illustrations d’une cimentoplastie.


    Le timing

  • Priorité aux lésions à pronostic vital dans les polytraumatismes !
  • En urgence immédiate, en présence de déficits neurologiques, surtout s’ils sont incomplets et évolutifs.
  • En urgence différée dans les autres cas (fracture instable et/ou très déformée sans atteinte neurologique).
    D Les complications et leur prévention

1 Court terme

  • Iléus réflexe :
    • surveillance du transit ;
    • prescription des règles hygiénodiététiques et laxatifs ;
    • mobilisation précoce après stabilisation de la fracture.
  • Prévention du risque thromboembolique :
    • bas de contention ;
    • anticoagulation prophylactique précoce ;
    • mobilisation précoce après stabilisation de la fracture.

2 Moyen terme

  • Dépistage et traitement des infections systémiques (encombrement bronchique, infection urinaire sur sonde).
  • Dépistage et traitement des infections du site opératoire : surveillance de cicatrice.
  • Prévention des lésions cutanées d’appui/escarres : frictions, mobilisation et matelas adapté si déficit neurologique.
  • Prévention du risque thromboembolique.
  • Prise en charge psychologique (vécu des déficits neurologiques).
  • Prise en charge des douleurs neuropathiques et de la spasticité.

3 Long terme

  • Suivi évolutif de la consolidation de la fracture : dépistage d’une pseudarthrose (défaut de consolidation source de douleurs résiduelles chroniques).
  • Séquelles neurologiques : prise en charge du handicap locomoteur, de la spasticité, des déficits sphinctériens (apprentissage des autosondages vésicaux) et génitaux (insuffisance érectile), des douleurs neuropathiques.
  • Prise en charge psychologique (deuil de l’autonomie antérieure).

    Points clés

  • Tout traumatisme du rachis doit faire rechercher une atteinte médullaire et/ou des racines spinales de la queue de cheval, sur la base d’un examen neurologique minutieux.
  • Tout patient comateux dans un contexte traumatique doit être considéré comme un traumatisé du rachis jusqu’à preuve du contraire et doit donc bénéficier d’un scanner du rachis.
  • Immobiliser le rachis, afin de ne pas engendrer, en présence d’une lésion instable, un déplacement secondaire menaçant les structures neurologiques.
  • L’absence de déficit neurologique n’exclut pas une lésion traumatique instable du rachis.
  • Prédominance des lésions discoligamentaires à l’étage cervical et des lésions osseuses corporéales à l’étage thoracolombaire.
  • Les AMSOS (agressions médullaires secondaires d’origine systémique) sont sources d’une aggravation supplémentaire différée du déficit neurologique et doivent faire l’objet d’une prévention active dès la prise en charge préhospitalière.
  • Les conséquences cardiovasculaires (choc neurogénique) sont d’autant plus importantes que le niveau de l’atteinte médullaire est haut (> T6).
  • Au-dessus de C4, il existe une paralysie du diaphragme responsable d’une hypoventilation.
  • Trois critères de gravité d’un traumatisme du rachis : déficit neurologique, instabilité, déformation.
  • Dysautonomie et priapisme : éléments de mauvais pronostic.
  • Importance d’un examen clinique complet, rigoureux, systématique et consigné dès l’admission. Utilisation des scores ASIA moteur et sensitif.
  • Évaluations cliniques répétées : dépister une aggravation neurologique secondaire ; modification du tableau clinique après la phase de choc spinal.
  • Le scanner en coupes fines avec reconstructions multiplanaires est l’examen de référence, indiqué en première intention chez un polytraumatisé, un traumatisé du rachis ou un traumatisé vertébromédullaire.
  • Intérêt de l’IRM en cas de traumatisme du rachis avec atteinte médullaire non expliquée par le scanner et en cas de suspicion de lésions discoligamentaires.
  • Nécessité d’une intervention chirurgicale en cas de lésion instable, de déficits neurologiques et/ou d’une déformation importante.
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▸ Compléments en ligne

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Vidéo 15
Ostéosynthèse du rachis cervical par voie antérieure.



Vidéo 16
Ostéosynthèse du rachis thoracolombaire par voie postérieure.


Vidéo 15 Ostéosynthèse du rachis cervical par voie antérieure.
Vidéo 16 Ostéosynthèse du rachis thoracolombaire par voie postérieure.

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