#15 Item 335 : Traumatisme crânien, particularités pédiatriques

Particularités anatomiques, physiologiques et cliniques chez l’enfant
Traumatisme crânien obstétrical
Traumatisme crânien non accidentel
Traumatisme crânien accidentel


Situation de départ

28 Coma et troubles de conscience.
46 Hypotonie/malaise du nourrisson.
172 Traumatisme crânien.
174 Traumatisme facial.
176 Traumatisme sévère.
226 Découverte d’une anomalie du cerveau à l’examen d’imagerie médicale.
321 Suspicion maltraitance et enfance en danger.



Objectifs pédagogiques

  • Orientation diagnostique et conduite à tenir devant un traumatisme craniofacial.
  • Connaître les spécificités pédiatriques des traumatismes crâniens.
  • Connaître la stratégie de prise en charge d’un traumatisme crânien non accidentel.

Hiérarchisation des connaissances

Rang Rubrique Intitulé
Identifier une urgence Identifier les urgences vitales et fonctionnelles du traumatisé facial
Diagnostic positif Connaître les éléments de l’interrogatoire et de l’examen clinique à réaliser dans le cadre d’un traumatisme facial
Examens complémentaires Connaître les examens à réaliser en première intention dans le cadre d’un traumatisme facial en fonction des orientations diagnostiques
Identifier une urgence Connaître les critères de gravité d’un traumatisme facial
Diagnostic positif Connaître les déclarations obligatoires pour un patient victime d’une morsure animale
Prise en charge Connaître les principes thérapeutiques des plaies de la face (morsures incluses)
Diagnostic positif Connaître le traumatisme dentaire nécessitant une prise en charge urgente (c’est-à-dire la luxation dentaire)
Définition Définition de la fracture de la mandibule
Diagnostic positif Connaître les signes cliniques présents dans les fractures de mandibule (pour l’ensemble des fractures, condyle inclus)
Suivi et/ou pronostic Connaître le risque d’ankylose articulaire après fracture du condyle
Examens complémentaires Connaître les examens à réaliser dans le cadre d’une fracture de mandibule
Contenu multimédia Scanner d’une fracture de mandibule (coupes ou reconstruction)
Définition Définition d’une fracture du zygoma
Diagnostic positif Connaître les signes cliniques présents dans les fractures du zygoma
Suivi et/ou pronostic Connaître les complications des fractures du zygoma
Examens complémentaires Connaître les examens à réaliser dans le cadre d’une fracture du zygoma
Définition Définition d’une fracture du plancher de l’orbite
Diagnostic positif Connaître les signes cliniques présents dans les fractures du plancher de l’orbite
Identifier une urgence Reconnaître les critères d’incarcération musculaire dans une fracture du plancher de l’orbite
Examens complémentaires Connaître les examens à réaliser en urgence dans le cadre d’une fracture du plancher de l’orbite
Contenu multimédia Scanner d’une fracture du plancher de l’orbite
Prise en charge Connaître les principes du traitement d’une fracture du plancher de l’orbite avec incarcération musculaire
Diagnostic positif Connaître les signes cliniques présents dans les fractures des os nasaux
Suivi et/ou pronostic Connaître critères de gravité d’une fracture des os nasaux (hématome cloison, épistaxis)
Définition Définition des fractures de Le Fort
Diagnostic positif Connaître les signes cliniques communs et spécifiques des différents types des fractures de Le Fort
Identifier une urgence Connaître des risques fonctionnels et vitaux des fractures de Le Fort
Identifier une urgence Connaître les éléments cliniques d’une brèche cérébrospinale dans le cadre d’un traumatisme facial
Examens complémentaires Connaître les examens à réaliser dans le cadre d’une fracture de Le Fort
Définition Connaître les différents traumatismes crâniens de l’enfant
Identifier une urgence Traumatismes crâniens de l’enfant : évaluation de la gravité et des complications précoces

Pour comprendre

En raison de particularités anatomiques et physiologiques, les lésions et la clinique du petit enfant (< 10–12 ans) se présentent de manière très différente celles de l’adulte. Les traumatismes crâniens (TC) sont très fréquents chez l’enfant et, dans une grande majorité des cas, bénins. Ils représentent néanmoins chez le grand enfant (15–18 ans) la première cause de mortalité et de handicap sévère.

Enfin, les TC obstétricaux et les TC non accidentels (c’est-à-dire TC infligés, syndrome du bébé secoué) sont des pathologies spécifiques du nouveau-né/nourrisson.


I Particularités anatomiques, physiologiques et cliniques chez l’enfant

A Particularités anatomiques et physiologiques

1 Disproportion crâne-corps

Le cerveau pesant 300 à 400 g à la naissance (10 % du poids du corps) et étant associé à une faible musculature spinale, cela provoque sur le plan biomécanique une inertie et des déplacements violents à l’origine de lésions intracrâniennes spécifiques (arrachement des veines « en pont » corticodurales dans le syndrome du bébé secoué). C’est donc un facteur aggravant les TC.

2 Immaturité cérébrale

Le cerveau du nourrisson étant encore peu myélinisé, il est mal protégé contre les lésions secondaires dues au TC, en particulier l’ischémie et les convulsions. C’est donc également un facteur aggravant dans les TC.

La plasticité qui découle de l’immaturité cérébrale explique les capacités de récupération spectaculaires par rapport à l’adulte et les enfants ont donc un meilleur pronostic vis-à-vis des lésions primaires. Mais la plasticité a également des conséquences néfastes avec l’installation de spasticité, dystonie ou encore épilepsie réfractaire.

3 Vascularisation et masse sanguine

Le volume sanguin d’un enfant représente 80 ml/kg, soit 250 ml à la naissance, 500 ml à 6 mois. Les plaies du scalp et hématomes sous-cutanés/céphalhématome (fig. 15.1) peuvent entraîner un saignement suffisant pour que le TC se manifeste par un choc hémorragique avant de donner des signes neurologiques.


Fig. 15.1

Céphalhématome typique : collection sanguine limitée par les sutures.

Le risque de perte sanguine est suffisant à cet âge pour entraîner une perte volémique pouvant aller jusqu’au choc hémorragique ; il faut demander une NFS pour la quantifier.


Le cerveau recevant 20 % du débit cardiaque, en cas de choc hémorragique, l’ischémie cérébrale par bas débit survient rapidement.

4 Immaturité squelettique

Le crâne est souple, surtout à la naissance, et peut se déformer sous l’impact, occasionnant une contusion sous-fracturaire (à l’opposé des lésions par contrecoup habituelles chez l’adulte). Malgré des sutures crâniennes ouvertes chez le nourrisson, une augmentation brutale du volume intracrânien s’accompagne, plus rapidement que chez l’adulte, d’une élévation de pression intracrânienne.

Les fractures évolutives (fig. 15.2) sont la conséquence d’une fracture associée à une déchirure de la dure-mère et une contusion cérébrale sous-jacente. Cette véritable hernie cérébrale à tendance à s’aggraver avec la croissance cérébrale.


Fig. 15.2

IRM en pondération T2, coupe coronale. Fracture évolutive.


B Particularités cliniques

Chez l’enfant, il existe des signes cliniques spécifiques évocateurs de souffrance cérébrale et d’hypertension intracrânienne (HTIC) :

  • contact visuel : regard en coucher de soleil, errance du regard et perte du contact oculaire ;
  • état de la fontanelle antérieure : elle est présente jusqu’à 15-18 mois ; elle doit être palpée, à la recherche d’un bombement évocateur d’HTIC ;
  • fréquence cardiaque : les bradycardies peuvent être le signe d’une HTIC ;
  • pâleur et signes de choc hémorragique.

II Traumatisme crânien obstétrical

La naissance est un moment traumatique mais le crâne du nouveau-né est particulièrement déformable, ce qui lui permet de s’adapter à l’accouchement. Sa déformabilité est limitée par le dièdre falco-tentoriel, le contenu endocrânien et la conformation fermée du bassin maternel. Les lésions crâniennes traumatiques restent rares (1 à 2 %) et sont le plus souvent bénignes.

A Céphalhématome

Il s’agit de la lésion obstétricale la plus fréquente (0,5 à 1,5 %), définie par un épanchement de sang sous-périosté. La guérison est pratiquement toujours obtenue spontanément.
Trois complications sont toutefois possibles :

  • l’ictère lié à la résorption sanguine, fréquent, mais l’anémie est rare ;
  • la calcification avec déformation crânienne, rare (5 %) ;
  • l’infection de la poche sanguine, devenue exceptionnelle.

B Fractures du crâne

Elles peuvent aller de la fracture simple linéaire à l’embarrure. Elles sont favorisées par l’extraction mécanique (forceps) et le plus souvent ne nécessitent qu’une simple surveillance (fig. 15.3). Lorsque l’embarrure est importante ou qu’il existe un risque épileptique, il peut être nécessaire de réduire l’embarrure chirurgicalement. S’il existe à l’imagerie une atteinte de la dure-mère et des contusions cérébrales associées il faudra surveiller l’absence d’évolution vers une fracture évolutive (voir supra).


Fig. 15.3

Scanner en reconstruction 3D. Embarrure par forceps.


III Traumatisme crânien non accidentel

A Syndrome du bébé secoué

Le syndrome du bébé secoué (SBS) est grave, avec une mortalité de 10 % environ et une morbidité importante. Les secousses en cause sont toujours violentes. Les décélérations brutales antéropostérieures de la tête sont responsables de l’arrachement des veines « en pont » de la convexité hémisphérique. Il survient la plupart du temps chez un nourrisson de moins de 1 an et dans deux tiers des cas de moins de 6 mois.

L’examen clinique recherche des signes de souffrances aiguë ou chronique :

  • troubles de la vigilance, coma ;
  • convulsions voire état de mal convulsif ;
  • signes d’HTIC aiguë ou chronique (macrocrânie évolutive, fontanelle antérieure bombante, vomissements, strabisme, stagnation et/ou régression psychomotrice) ;
  • hypotonie axiale, déficit moteur ;
  • des signes cutanés traduisant d’autres traumatismes infligés : ecchymoses ou hématomes (qu’il faut photographier si présents) ;
  • lésions ORL ;
  • recherche de fractures du squelette appendiculaire.

En cas de suspicion de SBS doivent être réalisés :

  • un scanner cérébral à la recherche d’un hématome sous-dural (HSD) par arrachement des veines « en pont » corticodurales (fig. 15.4), avec une collection de LCS qui se constitue en quelques jours ;

    Fig. 15.4

    Scanner chez un nourrisson montrant un hématome sous-dural chronique bilatéral.


  • un fond d’œil (FO) à la recherche d’hémorragies rétiniennes (HR) qui sont caractéristiques lorsqu’elles sont étendues jusqu’en périphérie de la rétine ; le FO doit être précoce car les hémorragies peuvent disparaître en une semaine (fig. 15.5).

    Fig. 15.5

    FO montrant des hémorragies rétiniennes.



Tout hématome sous-dural constaté chez un nourrisson doit faire évoquer une maltraitance.


Le signalement judiciaire est une obligation légale (article R4127-44 du Code de la santé publique) qui dégage le médecin de l’obligation de secret médical.

Autres examens complémentaires :

  • IRM cérébrale : dès que l’enfant est stable, idéalement dans la première semaine. Elle permet un bilan complet des lésions parenchymateuses et extraparenchymateuses, hémorragiques ou non (fig. 15.6) ;

    Fig. 15.6

    IRM en pondération FLAIR, montrant des lésions ischémiques diffuses dans le cadre d’un SBS.


  • bilan biologique : NFS, hématocrite, bilan d’hémostase complet, bilan hépatique, etc. ;
  • radiographies du squelette entier ;
  • EEG.
    B Syndrome de Silverman
    Il associe hématomes sous-duraux et fractures multiples (des membres, des côtes) d’âges différents. La survenue d’une fracture de membre avant l’âge de la marche est hautement évocatrice de maltraitance (fig. 15.7).

    Fig. 15.7

    Radiographie montrant des fractures de côtes multiples.


IV Traumatisme crânien accidentel

La gravité du TC de l’enfant est définie comme chez l’adulte par le score de Glasgow (GCS). Tout enfant avec un GCS < 13 nécessite une hospitalisation. Un GCS < 9 correspond à un TC grave avec une prise en charge multidisciplinaire en réanimation.
Le TC léger de l’enfant est défini par un GCS ≥ 13 et représente plus de 95 % de l’ensemble des TC. La problématique est d’identifier parmi ces enfants ceux présentant une lésion intracrânienne (< 10 %) qui nécessiteront un scanner cérébral, une surveillance accrue ou encore une chirurgie (< 1 %).

A Algorithme décisionnel pour la réalisation d’un scanner

Le scanner cérébral est systématique devant tout TC avec altération de la conscience, ou en cas de signes de localisation à l’examen neurologique (fig. 15.8).


Fig. 15.8

Algorithme décisionnel pour la réalisation ou non d’un scanner en cas de traumatisme crânien.
Source : d’après Lorton F, Levieux K, Vrignaud B et al. Archives de pédiatrie 2014 ; 21 : 790-6.


Pour les enfants avec un GCS = 15, la prise en charge est définie en fonction de l’âge (± 2 ans) et de la présence de facteurs de risque de lésions intracérébrales.

  • Indications de scanner chez l’enfant < 2 ans :
    • signes cliniques d’embarrure ;
    • hématome du scalp hors région frontale ;
    • perte de connaissance > 2 secondes ;
    • mécanisme à haute énergie cinétique.
  • Indications de scanner chez l’enfant > 2 ans :
    • signes cliniques de lésion de la base du crâne (hématome rétro-auriculaire ou périorbitaire) ;
    • hémotympan ;
    • rhinorrhée ou otorrhée de liquide cérébrospinal ;
    • vomissements itératifs ;
    • perte de connaissance > 2 secondes ;
    • mécanisme à haute énergie cinétique.

Lorsque l’enfant présente les critères pour la réalisation d’un scanner, il bénéficiera d’une surveillance en hospitalisation avec une réévaluation clinique très régulière.
Enfin, lors du retour à domicile, des consignes de surveillance doivent être expliquées oralement et remises dans un document écrit aux familles.
Une altération de conscience transitoire post-traumatique (commotion cérébrale) nécessite un avis spécialisé (évaluation neuropsychologique) car elle peut être associée à des séquelles cognitives, notamment en cas de répétition (sports de contact).
B Complications tardives

  • Difficultés scolaires et trouble de l’attention.
  • Recherche de bénéfices secondaires : très rare.
  • Syndrome post-commotionnel (ou syndrome subjectif post-traumatique) : exceptionnel chez l’enfant.
  • Récidive en cas de comportement à risque (adolescent).

Points clés

  • La disproportion crâne-corps du nourrisson est un facteur aggravant des lésions primaires.
  • L’immaturité cérébrale est un facteur aggravant des lésions secondaires.
  • La perte du contact visuel, le regard en coucher de soleil, le bombement de la fontanelle antérieure, l’hypotonie et les bradycardies sont les principaux signes de souffrance cérébrale chez le nourrisson.
  • La présence d’hématome sous-dural chez l’enfant de moins de 2 ans doit faire évoquer le syndrome du bébé secoué.
  • Le signalement judiciaire est une obligation légale, qui dégage le médecin de l’obligation de secret médical.

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